#03- LE PHYLACTÈRE FOU
Scénariste(s) : Paul ROUX
Dessinateur(s) : Paul ROUX
Éditions : les 400 coups
Collection : Moustique
Série : Ariane et Nicolas
Année : 1997 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Courts récits
Genre(s) : Aventure fantaisiste, Humour
Appréciation : 3 / 6
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Bogues en bulles et toxines télé : au menu, mondes hallucinants!
Écrit le mercredi 07 décembre 2011 par PG Luneau
Ariane et Nicolas, ce sont deux jumeaux allumés, sympathiques, généreux et volontaires. Dans le premier tome de leur série, ils découvrent un grand miroir sur pieds au pouvoir bien particulier : il leur permet d’accéder non pas au Pays des merveilles, mais bien à n’importe quel univers fantastique auquel ils peuvent penser! Un plongeon à travers le tain les conduit directement au cœur de n’importe quel monde farfelu, en autant qu’il n’existe pas de moyen physique d’y accéder. Ainsi, ils ne pourraient pas se rendre en Afrique, puisqu’un réel avion pourrait les y conduire, mais ils peuvent se retrouver au pays des mots ou à celui des vents, dans la mémoire d’une amie ou dans le rêve d’un vieux capitaine, comme ce fut le cas dans les courts récits des deux premiers albums…
Dans ce tome #3, nos deux amis décident de régler le problème d’un nouveau venu dans leur quartier, un garçon qui insulte involontairement tout le monde parce qu’il souffre de phylactérite aigüe!! S’apparentant beaucoup au syndrome de Gilles de la Tourette, cette maladie, qui n’afflige que les personnages de bande dessinée, consiste en une totale absence de contrôle du contenu lexical des bulles originaire de l’individu atteint. N’ayant donc aucun contrôle sur ce qu’il dit, le pauvre jeune homme s’avère malencontreusement fort malpoli. Les jumeaux entreront littéralement dans le texte du jeune Sébastien afin de voir ce qui y cloche.
Puis, dans un deuxième récit de douze planches, intitulé Émissions toxiques, c’est dans l’univers des ondes télévisuelles que nos deux comparses s’immisceront, afin d’y percer le mystère de la pollution publicitaire, celle-là même qui transforme tous les téléphages en zombies surconsommateurs! Ce deuxième récit, bien plus intéressant que le premier, à mon sens, est en même temps une belle leçon d’hygiène mentale!
Si j’étais moins pressé de vous parler de cet album que les 400 coups m’ont gracieusement fait parvenir, c’est parce qu’il s’agit en fait d’une réédition d’un album déjà existant. Il avait été publié en 1998 par les éditions les Mille Îles, avec une couverture souple, comme plusieurs autres des albums de la série. Paul Roux, leur auteur (un Marseillais établi au Québec depuis belle lurette, et qui a su donner un sérieux coup de pouce à la BD québécoise de par son dynamisme et son implication à divers niveaux!), trouve enfin, aux 400 coups, une réédition digne de son œuvre : d’abord, des couvertures rigides et cousues, qui ne décollent pas dès qu’on force un peu trop la reliure. Puis, des pages, en fin d’album, pour pouvoir y insérer des dossiers documentaires en lien avec la BD ou le thème de l’album. Dans ce tome-ci, le dossier en question parle de l’historique de la BD!
Bon. Maintenant, précisons que la série Ariane et Nicolas s’adresse aux jeunes de 9 à 12 ans. Si les aventures de ces deux jeunes gens sont toujours assez efficaces, il faut savoir qu’elles ne révolutionnent pas vraiment le genre. Ainsi, même si le récit principal de ce troisième volume s’annonce comme étant bien amusant, il se résout en deux tours de cuiller à pot, et tombe un peu à plat! C’est un peu navrant de constater que les jumeaux auraient pu ne rien faire, finalement, et que la résolution aurait été la même! La deuxième histoire est déjà plus surprenante, même si elle en rappelle d’autres du même genre qu’on a déjà vues ou lues. Pour ce qui est des dessins, eux aussi sont très bien : d’une rondeur plaisante, et bien contrôlée, ils sont dans le plus pur style de la ligne claire semi-réaliste. Toutefois, je crois que monsieur Roux a tout le talent qu’il faut pour les peaufiner un peu plus, en affinant son trait, notamment. Certains décors auraient pu être plus développés (comme celui, un peu fade, de la nouvelle couverture!!) et la coloration, qui semble avoir été retravaillée pour cette réimpression, aurait pu faire preuve d’un peu plus de subtilité. J’aime habituellement les à-plats de couleurs vives, mais ici, l’ensemble manque grandement de nuances, semble-t-il.
Ceci étant dit, est-ce que les jeunes à qui s’adressent ces albums sont aussi tatillons que moi sur ces détails?? Fort probablement pas! Donnons-leur donc accès à ces albums, qui méritent leur chance, et laissons-les juger eux-mêmes de leur degré d’intérêt pour cette série!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture rigide. Elle est d’une belle solidité, comparativement à l’ancienne reliure collée, qui ne durait jamais très longtemps! Toutefois, je tiens à préciser que je trouvais l’illustration de la couverture de l’ancienne édition plus originale que celle de la nouvelle, qui reste un peu vide.
- la simplicité des dessins. Ceux-ci sont sympathiques et efficaces, bien adaptés à la clientèle.
- l’allégorie du syndrome de la Tourette! Je trouve intéressant que monsieur Roux ait eu l’audace d’aborder, à l’aide d’un artifice très bédéesque (le phylactère), un phénomène dont on entend de plus en plus parler, mais peut-être pas toujours de façon constructive. Évidemment, cet ouvrage n’a aucune prétention documentaire sur le sujet, mais il parvient néanmoins à nous sensibiliser, sans en avoir l’air, à certaines implications bien réelles de ce genre de maladie.
- les péripéties du deuxième récit, et sa fin un peu ouverte. Comme je le disais plus haut, il me semble que le récit Émissions toxiques offre plus de rebondissements et capte plus l’intérêt des lecteurs… De plus, j’aime bien sa fin qui nous permet d’imaginer que le Grand comploteur télévisuel reviendra peut-être dans un futur épisode!
- le dossier final sur l’historique de la BD. Il est plutôt concis, mais offre des informations pertinentes, qui font un bon tour de la question, des grottes préhistoriques aux BD contemporaines en passant par les vases grecs, la tapisserie de Bayeux et les images d’Épinal.
Ce qui m’a le plus agacé :
- les couleurs un peu fadasses, avec une surabondance de rouge. Si l’édition de 1998, chez Mille Îles, était colorée avec force à-plats un peu criards, cette édition-ci semble avoir été imprimée à l’aide d’une imprimante dont les cartouches d’encre commençaient à manquer de fluide!! Ça donne un résultat un peu décevant, compte-tenu de la qualité matériel de la reliure, du papier et de la couverture. À moins que ce ne soit le type de papier, très mat, qui tue toute brillance au point d’étouffer la couleur?
- le simplisme de la résolution de la première aventure. Tout ce chemin pour n’en arriver qu’à ça!! C’est un peu décevant.
- une bulle complètement vidée de son texte!!? Heureusement que j’avais la première édition sous la main!! Ainsi, le contenu du phylactère du haut de la page 24 aurait dû être le suivant : «Il faut que je montre ça à Nicolas. Lui qui regarde si souvent la télé.». Pourquoi a-t-il été laissé en blanc?? Mystère!!?
- la typographie de la section Dossier. C’est écrit un peu petit, et surtout pas mal compacté. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait amplement d’espace pour présenter tout ça dans une typographie plus invitante et plus lisible!
- l’absence de lexique, dans le documentaire des dernières pages, pour expliquer aux jeunes certains termes complexes (retable, enluminure…). Une ligne de temps aurait aussi été un apport judicieux.
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