Mon 12e safari-dédicaces : Sergio Salma, le prolifique!
Écrit le samedi 28 juin 2014 par PG Luneau
Festival de la BD de Montréal 2014
(Deuxième partie)
Au cours du dernier Festival de la BD de Montréal, au début du mois, j’ai encore fait la connaissance de nouvelles personnes, dont plusieurs pour qui j’ai eu un coup de cœur! Pour ce second billet, je me concentrerai sur l’un d’entre eux, un homme de grand talent que j’avais très hâte de rencontrer et qui produit depuis plusieurs années des albums-jeunesse de grande qualité, et j’ai nommé : Sergio Salma!
Quand un bédéiste européen vient faire son petit tour au Québec, il est bien évident que les chasseurs de dédicaces en profitent pour se ruer en masse vers lui… mais quand ces artistes sont surtout reconnus pour leurs albums-jeunesse, les «vrais» collectionneurs y voient beaucoup moins d’intérêt!! C’est que ça ne fait pas très viril, pour un gars dans la quarantaine, de lire des albums de la Famille Passiflore, de Studio Danse, de Pico Bogue ou de Nathalie… En ce qui me concerne… je ne suis pas un «vrai» collectionneur!! C’est pourquoi je prends autant de plaisir (et parfois même plus!!) à lire du jeunesse que de l’adulte… et j’en profite pour passer plein de temps avec ces auteurs qui sont presque délaissés, parfois!! C’est ce que j’ai fait l’an passé avec Bannister et Grimaldi (HYPERLIEN) . Cette année, c’est avec monsieur Salma que j’ai pu m’entretenir à de très nombreuses reprises : au final, il m’a dédicacé six albums, en plus de m’en signer une bonne autre demi-douzaine!!
Avec ce très sympathique monsieur, d’ascendance italienne mais ayant grandi à Marcinelles (eh oui, le fameux faubourg des éditions Dupuis et du magazine Spirou!!), j’ai échangé sur la plupart de ses séries, que je connais assez bien.
Nous avons d’abord parlé de Nathalie, cette série à succès qui l’a fait connaître. Il m’a appris que l’irrésistible Tonton, toujours désopilant dans son rôle de nounou qui ne lui advient pas du tout, fait partie de ces personnages très secondaires qui sont devenus victimes de leur popularité! En effet, ce personnage devait, à l’origine, n’être de passage que pour deux ou trois gags… mais la réaction du public a été si grande que monsieur Salma s’est ravisé, et qu’il a compris tout le potentiel narratif du bougre!! C’est ainsi que Tonton en est venu à prendre le haut du pavé! Il faut avouer que son look de motard macho lui donne toute une dégaine quand il s’occupe de ses neveu et nièce!! ;^)
En ce qui a trait aux séries Surimi (Une vie de crabe) et Ice Fred, toutes deux parues chez Casterman alors que cette maison d’éditions cherchait à renouveler sa collection jeunesse, monsieur Salma les a réalisées en misant sur la vague de conscientisation écologique qui sévissait à l’époque (c’était au tout début des années 2000). Avec le recul, force est de constater le chemin parcouru depuis par les écolos de tous poils! Les gens sont mieux informés, plus alertes… mais les problèmes sont-ils réglés pour autant?!? Chose certaine, on en parle beaucoup moins, comme si le propos n’était plus… à la mode!?! Vous ne trouvez pas ça inquiétant, vous?!!
Ensuite, j’ai demandé à monsieur Salma comment il en était venu à travailler avec André Geerts, le créateur des si mignonnes séries Jojo et Mademoiselle Louise, un homme décédé bien trop tôt, il y a quatre ans. J’ai donc appris que ce sont les gens du magazine Spirou qui les ont mis en contact. En effet, à l’instar de Geerts, Salma réalisait déjà diverses illustrations pour combler les «trous» du journal. On a donc demandé aux deux hommes de s’y mettre ensemble, et de réaliser quelques petits gags bourre-pages… Une sympathie aussi mutuelle que spontanée s’est installée, et la chimie s’est développée. Ainsi, quand l’éphémère Schtroumpfs-Mag a approché Geerts, qui réalisait déjà les Jojo, pour qu’il leur ponde une nouvelle série, il leur a répondu du tac au tac : «J’accepte, en autant que ce soit Salma qui soit au scénario!». C’est ainsi que Mademoiselle Louise a vu le jour… une petite Louise que Salma avait prévu baptiser Mélissa, ou Laeticia, pour faire bien moderne. Geerts a réussi à le convaincre d’opter pour Louise, un prénom plus ancien, mais par le fait même plus intemporel, qui traverserait mieux les modes, en hommage à l’actrice hollywoodienne Louise Brooks, de qui la mignonne petite multimilliardaire de la série tient sa coupe de cheveux au carré!
Monsieur Salma n’a pas été peu fier d’apprendre que l’un des gags de cette série (il en va de même pour un autre, de la série Jojo, de Geerts) apparaissait dans le manuel de français que j’utilise dans ma classe, auprès des jeunes de 9-10 ans!! Mon seul regret est de ne pas avoir pensé à lui en amener un exemplaire pour lui montrer!
Puis, je lui ai parlé du grand bonheur qu’il m’avait fait en écrivant le scénario de la Balade des 4 As, le dernier album de ce mythique quatuor qui a bercé mon enfance (je vous ai déjà révélé qu’il s’agissait de ma série favorite, quand j’étais jeune??)… Mon enthousiasme l’a étonnamment surpris!! En effet, cet album n’a apparemment pas été très bien reçu par les fans de la série!!?? Il est vrai qu’il détone énormément des invraisemblables courses-poursuites qui servaient de canevas aux 10 ou 12 derniers tomes (merdiques, si vous voulez mon avis!), tous calqués sur le même modèle!! Avec un brin de nostalgie, Monsieur Salma m’a confié qu’il avait tenu à redonner aux aventures du quatuor le charme subtil qui s’en émanait dans les tous premiers tomes, ceux qui ont bercé sa jeunesse (et la mienne!).
C’est Craenhals qui, sentant sa fin venir, aurait lancé aux gens de chez Casterman l’idée que monsieur Salma puisse reprendre la série! Il aurait vu son travail dans le catalogue de l’éditeur et l’aurait aimé! Quand ces gens l’ont contacté pour l’informer de la requête, monsieur Salma en a été très honoré, et a accepté d’emblée de s’y coller, en souvenir des bons moments qu’il avait eus, plus jeune, à lire les premiers tomes. Toutefois, monsieur Salma a tout de suite été clair : il acceptait de ne pondre qu’un seul scénario, une espèce d’hommage final, qui rendrait un peu de réalisme, de vraisemblance et de cohérence à la bouillie qu’était devenue cette série! Il nous y a présenté des jeunes bien de leur temps (avec cellulaires et ordinateurs portables), mais qui agissent dans un contexte auquel on peut s’identifier : ils ont des parents, des comptes à rendre, des dettes à régler… Ils vivent une vraie vie de jeunes adultes, quoi!? J’ai adoré, littéralement, comme le démontre la critique que j’en ai faite!
Quand j’ai fini par présenter ma carte d’affaire à monsieur Salma, il s’est souvenu du petit bonhomme à lunettes et chapeau-safari qui m’y sert d’avatar (gracieuseté de mon grand ami – et fabuleux illustrateur – Marsi!). C’est que nous sommes «amis Facebook», monsieur Salma et moi, et nous avons déjà eu une petite discussion, suite à ma critique d’une autre de ses séries, Animal Lecteur, série de strips qu’il scénarise pour Libon et qui paraît à chaque semaine dans Spirou!
J’avais remarqué qu’un même gag se retrouvait dans les deux premiers tomes, et j’avais argué que les vérificateurs de chez Dupuis n’étaient pas très à l’affût. Monsieur Salma m’avait alors répondu qu’il était le seul à blâmer… car le seul responsable du choix (et de l’ordre, d’ailleurs!) des strips!!?? J’avoue avoir été estomaqué! J’étais sûr que ce genre de détails était du ressort de l’éditeur, surtout dans une grosse boîte aussi établie et célèbre que Dupuis! J’étais convaincu qu’une tonne de chargés de projet étaient responsables de tout ça (en collaboration avec les auteurs, bien sûr) et qu’ils avaient droit de regard sur la maquette finale, ne serait-ce qu’à titre de vérificateur-correcteur!!? J’ai dû me rendre à l’évidence : j’ai une vision bien erronée des différents rôles d’un éditeur!!??
J’ai donc demandé à monsieur Salma de signer mes albums que Libon avaient déjà dédicacés lors de son plus récent passage au Québec, au Festival de la BD francophone de Québec, en avril 2013. Nous avons convenu du génie de ce dessinateur, qui travaille avec une efficacité et une concision hors pair, directement à l’ordinateur! À ce sujet, monsieur Salma m’a raconté une anecdote bien amusante concernant Jean Van Hamme, qui a écrit la pseudo-préface du tome #3 des Animal Lecteur.
Dans un de leurs gags, on retrouve le personnage principal, un libraire (pas encore baptisé!!), en train de prier. En cette dure période de crise pour les bédéistes et tous ceux qui gravitent autour, sa requête se formule à peu près ainsi : «Seigneur, épargnez Van Hamme!», une manière amusante de dire que ce prolifique scénariste, éminemment populaire auprès du lectorat, parvient néanmoins à faire vivre tous les libraires. Quand il a lu le gag en question, monsieur Van Hamme l’a trouvé très drôle, et il a cherché à savoir, via monsieur Salma, s’il pouvait se procurer la planche originale! Mais voilà : Libon travaille directement à l’ordi!! Donc, pas d’original!!?? Salma lui a quand même donné les coordonnées du dessinateur, mais on ne sait pas si l’histoire a eu une suite! ;^) Au cours de cette discussion, j’ai aussi appris que le fameux libraire en question ne devait être, à l’origine, qu’un personnage épisodique!! Mais, à l’image du Tonton de Nathalie, il a pris du galon… Au point, dans son cas, de devenir le personnage central de cette chouette série qui s’amuse souvent à déboulonner les codes du 9e art! Par exemple, les auteurs ont surpris tout le monde en offrant un tome #5 format normal (alors que les 4 premiers ne faisaient pas 13 cm de largeur!!)… Je sais maintenant que non seulement le tome #6 reviendra au format étroit des premiers tomes… mais le tome #7 devrait être à l’italienne, question de surprendre… et de faire encore plus enrager les collectionneurs (quoi de plus fâchant que des formats dépareillés pour une même série : ça fait tellement malpropre dans nos rayons!! ;^) J’ai bien hâte de lire tout ça!!
Évidemment, monsieur Salma m’a parlé de sa dernière œuvre, surprenante et beaucoup plus mature : un roman graphique intitulé Marcinelle, 1956. Cette petite brique (manque de bol : sortie à peu près en même temps que Gaza, 1956 !!?) raconte un fait divers dramatique survenu cette année-là dans ce bourg industriel qui a vu grandir la famille Salma : un grave incendie qui a tué plus de 250 mineurs!! Ce touchant récit, tout en noir et blanc, dans un style plus réaliste, bien évidemment, monsieur Salma avait pensé le faire éditer chez Dupuis, puisque cet éditeur loge depuis toujours dans ce patelin (dites : «Marcinelle!» à tout connaisseur de BD digne de ce nom, il vous répondra immanquablement : Dupuis!! ;^) , mais aucune de leurs collections ne cadrait avec ce format et ce style! ;^( L’auteur s’est donc tourné vers Casterman, une autre des maisons d’éditions où il est publié, et Marcinelle, 1956 trône maintenant fièrement dans leur collection Écritures.
Pour l’avenir, Monsieur Salma n’a pas l’intention de chômer, bien au contraire : en effet, j’ai appris qu’il est en train de préparer un gros stunt pour cet été, un projet qui devrait décoiffer tous les lecteurs du magazine Spirou!! Il s’agira d’une espèce de Star Académie pour récits, alors que le journal proposera la trame générale de six ou sept scénarii-feuilletons, à thématiques variées, et les lecteurs devront voter pour celui qu’ils désireront voir prendre forme sous leurs yeux! Le scénariste (Sergio Salma, en l’occurrence! ;^) et le dessinateur (qui sera assez inconscient pour se lancer dans cette folle aventure avec lui!! ;^) auront, ni plus ni moins, la tête sur le billot!! Ils devront être sur le qui-vive pour rendre la marchandise, car le magazine sort à chaque semaine : c’est dire à quel point ils devront tout créer en très peu de temps!!? Bien sûr, monsieur Salma a déjà songé à quelques grandes lignes pour certaines de ces idées… mais il lui faudra tout de même pondre un récit qui se tient avec des échéances hebdomadaires de fou!! Un projet grandiose, pas encore baptisé (j’ai proposé le nom de BD-Académy… je ne sais pas s’il le retiendra?! ;^), qui devrait débuter dans le cours de l’été et qui le gardera bien actif!!…
Pour remercier ce charmant monsieur Salma de sa gentillesse et de sa très grande générosité, je lui ai offert une BD jeunesse, québécoise de surcroît : le Miam miam fléau de mon ami Marsi (dont je vous parlais un peu plus haut!)! Il a semblé content… et j’espère qu’il l’a lu (peut-être dans l’avion, sur le trajet du retour?! :^) ! Si oui, je suis presque sûr qu’il l’a apprécié!
Chose certaine, pour ma part, j’ai beaucoup aimé mes discussions avec lui et je garderai précieusement toutes les dédicaces qu’il m’a faites (sans compter les signatures!). À bientôt, donc, monsieur Salma, et au plaisir de vous recroiser sous peu, au Québec… ou sur Facebook! ;^)
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