J'avais très hâte de croiser Jean-Paul Eid, au Parc La Fontaine, lors du dernier Festival de BD de Montréal. D'abord, parce que ça semblait être SON année, au festival : c'est lui qui en a fait l'affiche (une véritable merveille!), et il semblait être de tous les événements! C'est vrai que le 5^e anniversaire du festival tombe en même temps que le 30^e de Jérôme Bigras, le personnage emblématique de Eid!! Mais l'autre raison qui me rendait fébrile, c'est qu'il allait être accompagné de son ami-scénariste avec qui il a souvent travaillé, mais qu'on n'a à peu près jamais l'occasion de voir dans les salons du livre : Claude Paiement. Ce dernier se fait si rare que je me l'imaginais comme un grand timide... Bouhahaha!! Ma rencontre avec lui a vite fait de remettre mes pendules à l'heure : le bougre travaille dans le monde du théâtre, principalement en tant qu'auteur et metteur en scène,  et il est des plus allumés! C'est d'ailleurs dans un cours de théâtre, au cégep, que les deux hommes se sont connus! J'avais très hâte de leur signifier à quel point j'avais apprécié les Naufragés de Memoria, le diptyque de S.F. qu'ils ont publié aux 400 coups, il y a de nombreuses années...

Mais cette fois-ci, c'est au très volumineux roman graphique la Femme aux cartes postales qu'on devait la présence de monsieur Paiement... pour la bonne raison qu'il l'a coscénarisé avec son pote!! Cette histoire, Eid a commencé à l'imaginer il y a une dizaine d'années!!? Il l'a laissé mûrir, mais s'est assis avec Paiement il y a trois ans, pour en faire la scénarisation. Et ça a pris ces trois années pour la dessiner, par intermittence, entre d'autres contrats. Rappelons que cette histoire (qui ravit tout le monde, sur le web) raconte les déboires d'une jeune femme qui quitte sa Gaspésie natale pour venir s'établir à Montréal, dans les années 50, et tenter sa chance dans le difficile monde des cabarets de jazz. Un tel récit historique a, bien évidemment, demandé beaucoup de recherche historique et visuelle, et les deux auteurs se sont, bien sûr, adjoint la participation d'un historien, pour s'assurer d'éviter les bévues anachroniques. Ça a même fait en sorte que des changements ont dû être apportés jusqu'à la toute dernière minute : même trois semaines avant l'impression, Jean-Paul a dû refaire certaines planches presque en entier!! :^O

Le résultat en vaut toutefois la peine : les commentaires sont exceptionnels! Monsieur Paiement m'a conté qu'une dame l'avait rencontré, la veille, pour lui raconter que son arrière-grand-père, arrivé des Caraïbes dans les années 30, était devenu jazzman dans les clubs de Montréal, mais que ça n'avait pas été toujours facile, pour lui, car ce n'était pas tous les clubs qui acceptaient les musiciens de couleur!! «C'est en plein ça, la Femme aux cartes postales!!» a-t-il lancé, tout enthousiasmé!

Je ne sais pas trop si monsieur Paiement se remettra bientôt à travailler sur un nouvel album, mais je sais que Jean-Paul, lui, ne peut pas se permettre de chômer très longtemps! En effet, c'est lui qui illustrera le tome «Nouvelle-France» du diptyque que François Lapierre est en train de scénariser (Lapierre se réservant le dessin du tome «Amérindien»). C'est que ces deux albums, racontant la fondation de Ville-Marie par Maisonneuve et Jeanne Mance, sont supposés sortir pour les fêtes du 375^e anniversaire de Montréal, soit... l'an prochain!! Bon courage, monsieur Eid!! On compte sur votre trait si précis pour nous pondre un album digne de telles festivités!! Allez, pas de pression!! ;^)

Ce même jour-là, j'ai aussi croisé Rémy Simard. Il n'a pas été peu étonné de me voir retontir avec un album de Ray Gliss... qui date de 1984!! ;^) Ça semble lui avoir ramené plein de souvenirs. Il a même dû aller jeter un coup d'œil à l'intérieur avant de se mettre à dessiner, tellement c'était loin dans sa mémoire!! C'est que son coup de crayon a bien évolué, depuis!! En observant son œuvre, monsieur Simard semble circonspect : il n'approuve plus ses choix graphiques d'alors!! :^0 «Je ne comprends pas que j'aie choisi ce type de dessin. Il me semble que ça donne des allures bien trop bizarres à mes personnages!??» Je le rassure en lui précisant que j'ai toujours adoré son (ou ses?!) style(s), reconnaissable(s) entre tous!

Alors que je croyais que ce Ray Gliss était l'une des séries pré-publiées dans Croc, Titanic ou un petit journal (comme la Petite Presse), monsieur Simard m'a confirmé que non : les deux aventures de ce héros ont été éditées directement en album, chez Ovale, une maison d'éditions très audacieuse! Avec le recul, on ne peut que souligner à quel point les gens de cette entreprise ont été des précurseurs-défricheurs en matière d'éditions de BD. Ce sont eux qui ont lancé le populaire Humphrey Beauregard ! Quel dommage que ça n'ait pas dépassé les trois tomes, cette série!!

Un mot, pour finir, sur le top de nos tops, Michel Rabagliati. Je l'ai croisé à Québec pour ma «dernière» dédicace!! En effet, avec celle-là, je suis maintenant à jour : tous mes Paul sont dédicacés! Pour ce qui est de ses futurs projets, il m'a expliqué en gros ce qu'il dit à tout le monde en entrevue depuis la fin du film Paul à Québec et la parution de Paul dans le Nord : son prochain tome n'en est encore qu'à un stade embryonnaire, mais il sait que Paul y aura 50 ans. Le personnage rattrapera donc son créateur, et il y sera plus mûr, plus adulte... plus intérieur... Comme plusieurs, j'ai l'impression que ça sonnera à peu près le glas de la série... mais vers quoi ce fabuleux artiste se tournera-t-il, par la suite?? On le saura dans quelques années!

Sur ce, à très bientôt!!