Mystérieuse, matin, midi et soir

Jean-Claude Forest a été l'un des grands noms de la BD française. Touche-à-tout à l'impressionnante capacité d'adaptation, il a surtout fait sa marque dans l'histoire du 9^e art grâce à sa sensuelle adaptation de Barbarella, en solo, ainsi que pour avoir écrit les scénarii des très avant-gardistes Naufragés du temps, que son comparse Gillon a mis en images.

Mais en 1971, pour Pif Gadget, c'est un récit-hommage à l'Île mystérieuse de Jules Verne qu'il a concocté. Pour l'occasion, Forest reprend exactement les mêmes éléments (personnages, motivations, principaux moments forts...) que dans le roman de Verne... mais il les transpose sur une autre planète, lui permettant ainsi d'ajouter, au gré de sa fantaisie, de nouvelles plantes, de nouvelles bestioles... et plein de nouveaux dangers!!

J'avoue que son dessin ne m'attirait pas trop, au premier abord, mais après lecture, je dois constater que j'ai bien apprécié ces aventures, très fidèles au récit original qui m'a tant marqué, enfant! Mais il n'y eut que deux longs récits de 20 pages... Que s'est-t-il passé? Richard Medioni, dans le 2^e tome de son livre Mon Camarade / Vaillant / Pif : l'Histoire complète nous en fait un bon résumé.

En gros, disons que les gens de chez Pif n'étaient pas peu fiers d'avoir signé un contrat avec le grand Jean-Claude Forest, alors très en demande suite au succès de sa Barbarella... et du film qui en avait été tiré! Ils lui ont donc commandé 3 récits de 20 planches, lui laissant totale liberté en ce qui a trait au contenu! C'était assurément là ce qu'on pourrait appeler un gros risque éditorial! En effet, les 20 premières planches de la série ont été jugées un peu trop complexes et flyées pour le lectorat de Pif. De plus, on n'était pas vraiment en présence d'un récit complet, comme le magazine se vantait d'offrir. Mais, la machine étant lancée, on passa outre et publia (dans le Pif #111). Quand est arrivée la deuxième partie, le malaise s'est fait encore plus tangible : le récit prenait une tangente si complexe que les éditeurs ont cru bon d'ajouter une demi-page de présentation, résumant les grandes lignes de la première partie, parue un mois plus tôt... Malgré cela, le jargon spatial que Forest utilise et lespéripéties qui déboulent un peu trop vite ont raison des lecteurs, qui se rebiffent! Qu'est-ce que c'est que cette histoire compliquée qui occupe presque le tiers de notre magazine??!!... Et qui n'a même pas de fin!! Car cette deuxième partie laissait, elle aussi, le lecteur sur sa faim! Les ventes de ce numéro (le 115) ont été très décevantes, de même que celle du numéro suivant... Il n'en fallait pas plus pour que les commerciaux décident d'abandonner la publication de la dernière partie...

Apparemment, Forest ne s'en est pas offusqué outre mesure, content qu'il était du résultat global et sachant qu'il allait pouvoir sortir un album avec les 60 pages complétées. De plus, il avait déjà été payé, et assez grassement, compte-tenu de sa notoriété!!

Donc, pour connaître la conclusion des aventures de Petit Paul, le jeune adolescent aventureux, du brillant docteur Alizarine, de Brise-Bise l'aéronaute, de John Paragraph, l'écrivain déluré, de Big Rabbit, l'extraterrestre aux longues oreilles, et de Polop, leur alpagoin de compagnie, pour découvrir s'ils parviendront à revenir à la civilisation... et pour connaître l'identité de leur mystérieux protecteur, il vous faudra vous procurer cet album... à peu près introuvable de nos jours! :^(

Titre : Mystérieuse matin, midi et soir

Auteur : Jean-Claude Forest

Descriptif : 4 hommes et un extraterrestre lapinoïde évitent la mort de peu alors qu'un violent orage entraîne leur aérostat tout au bout de l'océan Jaune. Ils se retrouvent tous coincés sur une mystérieuse île en forme de point d'interrogation. Une île qui regorge de mystères, mais qu'ils exploreront au fil du temps et où ils fonderont une petite colonie... sous l'œil apparemment bienveillant d'un mystérieux protecteur invisible. Aventure, mystère, étrangetés, ambiance...

Dessin : Réaliste, qui ne me transporte pas outre mesure. En fait, il fait très «années 70», avec tout ce que ça implique, de bien comme de moins bien!? :^S

Genre : Récit d'aventure à la sauce Jules Verne, mais transposé dans un univers à mi-chemin entre le fantastique et la science-fiction

# d'apparitions : 2 récits de 20 planches N/B chacun

Époque des apparitions : 1971

Des albums? : Oui! C'est d'ailleurs la seule façon pour vous de pouvoir connaître le dernier tiers de cette histoire, correspondant à la 3^e partie prévue qui n'a jamais paru dans le magazine! :^0

Note personnelle : Scénario : 4/5      Dessin : 3/5          Total : 7/10

Importance relative de parution : 42

En couverture? : Jamais

Clins d'œil et trucs divers :

*La deuxième partie est effectivement un peu difficile à suivre. Les saisons semblent s'y écouler à l'intérieur de quelques heures, mais c'est à peine si on nous le mentionne, comme si personne n'en faisait de cas!? Pour sa part, le personnage de Rouille (qui a des airs de Barbarella!!) a d'étranges réactions, fort peu crédibles. Et je ne parle pas de la fin, qui n'en est pas une!!

*La rédaction de Pif n'a reçu AUCUNE lettre réclamant la suite (et fin) du récit! C'est dire combien peu de gens l'avaient lu ou s'y étaient vraiment intéressé!!

*Voici la couverture du fameux album. Elle reprend l'une des cases de la première partie.