#02 - MISSION À ONONDAGA
Scénariste(s) : Jean-Sébastien BÉRUBÉ
Dessinateur(s) : Jean-Sébastien BÉRUBÉ
Éditions : Glénat
Collection : Glénat Québec
Série : Radisson
Année : 2009 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2/4)
Genre(s) : Biographie, Western / Amérindiens / Nlle-France
Appréciation : 4.5 / 6
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Robes noires vs Iroquois : un pénible apprivoisement mutuel...
Écrit le mardi 05 juin 2012 par PG Luneau
1657. Après quelques mois en France et trois nouvelles années à Trois-Rivières, voilà que notre Pierre-Esprit Radisson sent la bougeotte qui lui travaille le bas du ventre : l’appel de la forêt est le plus fort! Quand il apprend que les révérends pères Ragueneau et Dupéron préparent une expédition en territoire iroquois afin d’évangéliser les membres de cette famille amérindienne et de resserrer les liens qui les unissent aux Français, Radisson ne fait ni une ni deux : il décide de prendre part à l’expédition, quitte à recroiser ceux qui l’avaient capturé, torturé… puis adopté, quelques années auparavant (voir le tome #1)! Il fera route avec les religieux et la douzaine de volontaires qui ont décidé de les accompagner jusqu’à la mission d’Onondaga, un avant-poste construit et vaillamment tenu par les Jésuites en plein centre du territoire des Cinq-Nations!
Avec ce deuxième tome sur la vie de Radisson, Jean-Sébastien Bérubé nous présente une nouvelle facette de la vie en Nouvelle-France. Si le premier tome nous introduisait surtout aux mœurs et coutumes amérindiennes par l’entremise de scènes d’action nombreuses et bien rythmées, ce tome-ci se concentre un peu plus sur la vie des missionnaires et leur irrépressible besoin de convertir les «Sauvages»… mais toujours par le biais de revirements inattendus, de suspenses débridés et de scènes de combats énergiques. Comme lecture dynamique ET intelligente, on ne peut pas demander mieux!
Le dessin de Bérubé prend encore plus d’assurance dans ce deuxième tome. Il ose un peu plus, tant au niveau des cadrages que des inserts. Par contre, sur le plan narratif, c’est un peu moins solide que le premier tome. On sent plusieurs flottements entre certaines scènes, certains détails ne nous sont pas expliqués… Bref, il m’est arrivé à quelques reprises de devoir extrapoler par moi-même en raboutant certains enchaînements si je tenais à donner un sens aux événements et à ne pas perdre le fil du temps qui s’écoulait. Par exemple, l’expédition vers la mission, dure-t-elle trois jours, trois semaines ou trois mois?? Et que signifient vraiment les symboles sur l’arbre de la p.18? Les arbres coupés, pour la fabrication d’un fort, présume-t-on, semblent l’être depuis longtemps, malgré qu’on n’y voit aucune trace de fort dans les parages (ni aucune trace des rondins, d’ailleurs!)!? Et l’Iroquois laisse sous-entendre que le dessin montrerait le scalp du père Ragueneau!?? Mais comment la coupe des arbres ET l’agression présumée pourraient-elles être contemporaines? Avouons que tout ce passage est un peu confondant…
Bref, un peu plus confus mais tout aussi palpitant, et encore plus beau : au bout du compte, Mission à Onondaga reste quand même un album fort intéressant, que je vous recommande chaudement!
Pour en savoir plus, lisez la critique (aussi mitigée!) de Kikine.
Plus grandes forces de cette BD :
- la belle diversité des angles de vue! Encore une fois, Bérubé démontre qu’il est très habile à «placer sa caméra»! Ses gros plans s’insèrent parfaitement entre ses plans moyens et généraux, le tout avec des cadrages parfois de biais, comme si on suivait les personnages avec une caméra à l’épaule! C’est très dynamique, et c’est en parfaite adéquation avec le feu roulant des événements!
- les couleurs, à dominance terreuse mais chaude. Elles demeurent vivantes malgré tout, tout en donnant un aspect vieillot au récit.
- les généreux plans généraux, comme celui de la p.5, où l’on peut voir la bourgade de Trois-Rivières, ou celui de la p.30, avec son village iroquois, tels qu’ils étaient au milieu du XVIIe siècle. L’intérieur de la maison longue, à la p.44, est, lui aussi, très réussi. Que de belles illustrations à montrer aux élèves du primaire qui étudient les Amérindiens en 3e année et la Nouvelle-France en 4e!!
- le dynamisme et la variété des péripéties racontées. Non, vraiment, Radisson est un parfait aventurier : même si seulement le quart de ce qu’il raconte dans ses récits est vrai, il mérite quand même toute notre admiration!! Jamais en sécurité, toujours tenaillé par la crainte d’une trahison ou d’un nouveau revirement de la part des Amérindiens, il devait connaître intimement le sens du mot «stress»!! Sans compter la nature environnante, souvent capricieuse, et les maladies… Ouf!
- le trait vif et nerveux de monsieur Bérubé. Il contribue de belle façon à rendre la tension dans laquelle Radisson devait se sentir.
- d’étonnantes découvertes sur l’univers amérindien : la haine et l’esclavage «inter-tribus», la femme qui accouche seule, en silence (!?!)… Mais qu’est-ce qu’on en sait peu sur ceux qui vivaient ici avant nous!
- le suspense final. Quel subterfuge ingénieux que de construire ces canots en cachette… je ne vous dirai pas où!! Et quel personnage, quand même, que ce bon père Ragueneau qui, sous le couvert de sa foi et de son total dévouement, demeure très lucide, suffisamment pour sentir la soupe chaude et tenter de sauver les meubles… Mais y réussira-t-il sans dommage collatéral??
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’ellipse entre 1653 (fin du tome #1) et 1657 (début du tome #2). Les événements majeurs survenus durant ces années sont brièvement expliqués à la toute fin, sur la dernière page, baptisée Chronologie, mais il me semble qu’il aurait été plus logique de situer ces précisions au début de l’album, question de situer le lecteur AVANT qu’il ne poursuive sa lecture!
- plusieurs «trous» dans l’enchaînement des péripéties. Aussi intéressantes soient-elles, celles-ci sont reliées par des liens souvent boiteux ou, plus généralement, obscurs. Souvent, j’ai eu l’impression qu’il me manquait des informations entre tel ou tel événement, que certains passages n’étaient pas clairs. Par exemple, outre la halte de la p.18 (dont je parlais plus haut), le retour du père Dupéron et tout ce qui s’en suit, aux p.35 et 36, me semblent assez ambigus, surtout sur le plan temporel : les massacres découverts par l’Amérindienne en pleurs datent de combien de jours/heures/minutes?? Peut-être les carnets de voyage qu’a laissés Radisson sont-ils eux-mêmes obscurs, et que monsieur Bérubé n’a pas voulu extrapoler sur ces zones d’ombres… si tel est le cas, il aurait dû : la fluidité narrative de son album en aurait été resserrée d’autant!!
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