LA QUÊTE DES RÉPONSES
Scénariste(s) : Jean-David MORVAN
Dessinateur(s) : Philippe BUCHET
Éditions : Delcourt
Collection : X
Série : Quête des réponses
Année : 1998 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en quelques planches
Genre(s) : Heroic fantasy, Humour
Appréciation : 4 / 6
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Rôlistes du monde entier, sachez!
Écrit le mardi 30 novembre 2010 par PG Luneau
Oui, rôlistes de tous les pays, sachez que Morvan et Buchet, avant de plancher sur leur sublimissime série de S.F. Sillage, ont commis un petit album «one shot» tout simple mais fort sympathique qui se veut un recueil d’explications à toutes les questions, fort légitimes, que vous vous posez… Et que je me pose aussi, puisque je suis moi-même un fervent adepte de jeux de rôle, encore à quarante-trois ans!!
(Pour les profanes, sachez que le terme «rôliste» est celui qu’on emploie pour désigner, en français, un joueur de jeu de rôle, ce que les anglophones appellent un «game player». Ainsi, tous les passionnés de Donjons et Dragons, de Role Master, de Rune Quest et de tous les autres systèmes de jeu qui demandent qu’on se réunisse autour d’une table, avec des figurines et des dés, pour y «vivre» virtuellement, par procuration, des aventures fantastiques imaginées par un Maître de Jeu (l’animateur-concepteur des scénarii), sont-ils appelés des rôlistes! Fin du cours Jeux de rôle 101!!)
La Quête des réponses (avec son sous-titre : le livre préféré des dragons) nous offre donc seize courts récits, de trois planches chacun (sauf le dernier, qui ne fait qu’une planche), dans lesquels on suit les tribulations un brin loufoque d’un trio de héros des plus typés, fiers représentants de tous cles jeux à thématique médiévale-fantastique : un nain bourru et bagarreur, une ravissante elfe magicienne et un beau combattant tout en muscles! Ces trois gusses s’échinent à réussir des missions toutes aussi classiques : ils escortent une princesse récalcitrante jusque chez son nouvel époux, recherchent des trésors ancestraux, traversent des contrées maléfiques pour retrouver de puissants items magiques, combattent dragons, hydres à neuf têtes ou, plus simplement, clients avinés de tavernes mal famées … La routine habituelle, quoi, dans ce genre d’univers! Je dirais même qu’on navigue dans les archétypes du genre… mais non sans raison!!
Et oui : cet exercice stylistique se veut en fait une démonstration qui vise à répondre aux incontournables questions que tout adepte (les profanes comme les vieux routiers… mais surtout les vieux routiers!!) se pose inévitablement. Des questions très terre à terre (Quel usage les dragons font-ils du trésor qu’ils gardent si jalousement? Pourquoi les Nains sont-ils si petits? Pourquoi les héros ne prennent-ils jamais de vacances? Un ogre végétarien, est-ce possible?), mais, aussi, d’autres plus philosophiques (À qui la faute, si les princesses sont toujours si belles? Peut-on défier impunément les dieux? Pourquoi tant de haine?). Pour chaque interrogation, Morvan et Buchet plongent les trois protagonistes dans une situation cocasse qui nous permet de découvrir, de manière humoristique, la réponse à la dite question.
Ces gags, assez inégaux, paraissaient originalement dans le magazine Dragon, une revue spécialisée en jeux de rôle. Bien sûr qu’ils trouvaient là leur public idéal! Mais qu’en est-il de monsieur et madame Tout-le-monde? J’ai l’impression qu’il ou elle pourrait probablement y trouver un certain intérêt, mais jamais comme ceux qui ont joué, ne serait-ce que quelquefois, à Donjons et Dragons ou tutti quanti! Reste que la qualité graphique est toujours aussi indéniable : j’adore la précision des traits de Buchet qui, déjà en 1998, nous offrait un dessin très riche, éminemment chargé, mais néanmoins d’une limpidité étonnante et d’une netteté incroyable. Il va sans dire que la clarté des couleurs des Color twins y fait aussi pour beaucoup! Pour tout dire, c’est la troisième fois que je lis cet album, et je suis tout aussi ravi à chaque fois! Dommage que les scénarii manquent tant de rigueur ou que les gags tombent si souvent à plat!
P.S. : Le site Placard à BD, qui se spécialise dans les erreurs, les clins d’œil et les gags cachés, volontairement ou non, dans les BD, m’a fait découvrir une flopée de ces curiosités issue de cet album. En voici la liste :
D’abord, un clin d’œil aux Color Twins, sur le tatouage du gros fier à bras de droite, sur la couverture!
Puis, une erreur de nomination : si la carte des pages de garde nous présente la Forêt des 120 démons, le combattant la nomme la Forêt des 124 démons, à la p.8!
Ensuite, je n’avais pas lu à haute voix la formule du mage à la p.10 : «Ô grands maîtres Mohrv’Hanbuch et Koulour-Touynze…» N’y trouvez-vous pas une amusante consonance avec les noms des auteurs et des coloristes?!
Puis, deux phylactères avec le même texte, dans le haut de la p.14, alors que le premier aurait dû bien évidemment être rempli d’un commentaire du genre : «J’exècre les Nains!».
Viennent finalement les caméos d’Hellboy et de Wolverine, dans la foule de démons, au centre de la p.26 et une erreur des coloristes qui fait en sorte que le mât de la p.30 semble soudainement bien maigrelet, dans la 5e vignette (alors qu’on en voit bien le format réel dans la 2e case!).
Merci, Placard à BD, pour toutes ces fascinantes découvertes!
Plus grandes forces de cette BD :
- les dessins, sublimes. Buchet fait dans le détail, mais avec une précision et une clarté effarante! J’aime énormément son coup de crayon, et il me semble qu’un plus grand format mettrait ces mini-œuvres d’art encore plus en valeur.
- la carte parcheminée illustrée sur les pages de garde. On y retrouve tous les endroits que nos trois héros mentionnent ou visitent tout au long de l’album … Certains des noms sont très cocasses, comme celui de la chaumière Kleub’ Maid (où les protagonistes passent leurs vacances) ou celui de la demeure du mage Guydël-Koor, un beau clin d’œil à l’éditeur homonyme!!
- la thématique très «heroic-fantasy». Tous les amateurs de ce genre littéraire (qui, depuis Tolkien, se décline en romans, BD, jeux de rôle, jeux vidéo, jeux de société, dessins animés, films… et même week-end de personnification pour une aventure dite «Grandeur nature»!!) vont se plaire à retrouver les poncifs du genre et rigoler en reconnaissant quelques incongruités ou exagérations qu’on retrouve dans certains de ces scénarii.
- la présentation des gags, sous forme de questionnements. La plupart des questions résonneront au cœur de tous les adeptes de jeux de rôle… En contrepartie, j’ai l’impression que les non-initiés risquent de passer à côté d’une foule de références et pourraient, j’en ai bien peur, trouver l’exercice un peu ordinaire.
- la quatrième de couverture, montrant les trois personnages principaux sous forme de figurines de plomb sur le point d’être peintes. Cette activité est si typiquement liée au monde «donjons-&-dragonien»! Ça prouve hors de tout doute que les auteurs connaissent parfaitement leur sujet. Je suis à peu près convaincu qu’ils ont été de fidèles adeptes de ce passionnant passe-temps!
Ce qui m’a le plus agacé :
- Plusieurs chutes plus banales, incompréhensibles, ennuyantes ou décevantes. Il n’y a pas à dire, j’adore tellement les dessins que je pars avec un préjugé favorable à la puissance mille en faveur de ces histoires! Mais rien n’y fait! Même après trois lectures, à trois moments différents de ma vie, malgré toute ma bonne volonté, je reste sur ma faim du point de vue de l’humour! Si deux ou trois des seize gags ont su me tirer un sourire, tous les autres ne dépassent pas le stade de l’intérêt minimal. Morvan aurait pu être plus inspiré, je crois… Mais le pire, c’est que si ces auteurs avaient la curieuse idée de pondre une suite à ce recueil, je me le procurerais probablement! C’est quand même fou comme j’ai une foi solide, non!?!?
- Une erreur de titre. En effet, le neuvième gag porte le même titre que le huitième, soit «Peut-on invoquer les démons impunément?». Pourtant, cette question était très bien exploitée dans le gag #8!! Heureusement, le quatrième de couverture liste toutes les questions contenues dans l’album, agissant ainsi un peu comme une table des matières (malheureusement absente). On est donc à même de constater que la question «Peut-on vraiment se fier aux armes magiques?» manque à l’appel… Curieux hasard, c’est justement le sujet du gag mal titré!! La déduction s’impose d’elle-même : encore une erreur d’édition que les responsables n’ont pas remarquée avant de partir les presses!
- L’hermétisme de certains gags. Comme je l’ai dit plus haut, deux fois plutôt qu’une (et je vais le répéter ici, puisque «jamais deux sans trois»), probablement que les non-rôlistes vont trouver cet album fort beau mais assez peu intéressant. Quoique… s’ils choisissent ce livre, c’est qu’ils s’intéressent au moins minimalement à ce genre littéraire, non? Peut-être s’amuseront-ils quand même, à leur façon, après tout. Qui sait?
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