#02- LES CROQUE-MITAINES DU NORD
Scénariste(s) : Mathieu Gaudreault dit Mat ORDOG
Dessinateur(s) : Mathieu Gaudreault dit Mat ORDOG
Éditions : Michel Quintin
Collection : X
Série : Pieds palmés
Année : 2017 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit complet (Inspiration comics)
Genre(s) : Héros animalier, Aventure humoristique
Appréciation : 4.5 / 6
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Mat Ordog, notre Macherot à nous!
Écrit le samedi 16 février 2019 par PG Luneau
Toujours en compagnie des jeunes Marie-Cane et Doki, l'aviateur Quinquin poursuit sa route vers Chloropolis dans l'espoir d'y retrouver la mère des deux enfants. Malheureusement, un blizzard le force à faire atterrir son biplan non loin du village des Chifflons.
Après quelques péripéties variées, nos amis découvrent ce que nous avons appris, nous, lecteurs, dès le prologue : les Chifflons vivent sous la férule d'une bande de rats malveillants qui exploitent leur crédulité en faisant planer sur eux, par la bouche d'un faux prédicateur, la menace qu'une divinité vorace anéantira leur village s'ils ne lui offrent pas leurs ressources! Seule façon de venir à bout de cette atrocité? Retrouver le plus vite possible un sceptre mythique, prétendument caché dans la montagne de glace... Et, ce faisant, fournir en glace la compagnie d'eau potable du chef des rats!!
Bien sûr, le vaillant héros s'en mêlera, enhardi par la fougue de la fille du chef du village, qui ne cherche qu'à se rebeller et à éveiller la conscience de ses concitoyens face à l'esclavage dont ils sont victimes. De son côté, Marie-Cane se lancera, en compagnie des enfants du village, à la recherche de son frère, qui a été enlevé!? Est-ce encore un coup de ces Croque-mitaines du Nord?? :^0
Comme vous le voyez, ce n'est pas l'action qui manque dans ce second tome des aventures des Pieds palmés! Et encore, je ne vous ai rien dit du mystérieux pic-bois bigleux, des Mécazopodes, de la Ligue du Bestiaire terrifiant, de l'étonnante grotte de Cocovo, du laboratoire secret... ou des nombreuses apparitions de Carcajou! :^O
Encore une fois, Mat Ordog y va d'un récit touffu (de 64 pages!), rempli de revirements inattendus, de mystères, d'imprévus, de personnages retords... mais d'autres qui nous révèlent des facettes plus sympathiques! C'est haletant, vif, sans temps mort! Tout comme dans le premier tome, le dessin de Mat est sympathique et dynamique. Ses personnages animaliers sont fidèles à ses inspirations (les jeunes canards à la Disney, les plus vieux à la Warner, les rats à la Macherot...) et ses décors, qui se veulent hivernaux cette fois, s'étoffent de belle façon.
Bref, on se trouve face à un deuxième tome à la hauteur du premier, peut-être même un peu mieux ficelé, que tous les jeunes devraient apprécier, dès 10 ans.
Ce qui m'a le plus agacé :
- quelques petits éléments du scénario qui m'apparaissent un peu bancals. Par exemple, pourquoi les membres du Bestiaire terrifiant respectent-ils l'interdiction d'entrer dans la Forêt des Murmures? Il me semble qu'une bande de héros de leur trempe pourrait faire fi d'une telle interdiction... d'autant plus qu'on ne sait pas trop QUI le leur a interdit!... Puis, il y a le combat final, qui me semble beaucoup trop long: on aurait pu en couper une ou deux planches que ça aurait resserré l'ensemble! Mais ce qui m'a le plus chipoté, ce sont deux trucs en lien avec la mainmise des rats sur le village. D'abord, le fait qu'ils laissent les jeunes du village explorer la forêt!? Voyons! Les rats veulent contrôler tout le monde, les faire travailler dans les mines de glace, mais laisseraient des jeunes intrépides, en superforme, parcourir la forêt (abritant supposément LA créature maléfique qui ne veut que les bouffer!?) sans craindre qu'ils s'échappent et parviennent à aller chercher de l'aide extérieure? Qui plus est dans cette forêt où ils cachent leur laboratoire secret?? Ça ne se tient pas, il me semble. Et puis, il y a Elimotte, le chef du village: est-il complice des rats? Sait-il que la légende de la Chouzza et de Cocovo est une invention créée de toutes pièces? J'étais personnellement convaincu qu'il était sincère, qu'il avait été berné, comme les autres habitants... Mais sa présence dans la roulotte de Sakapet, à la p.36, nous prouve clairement qu'il est parfaitement au courant de la supercherie!? Pourquoi n'écoute-t-il pas plus sa fille, alors??
- des sautes d'humeur incongrues. Déjà, à la p.16, je trouvais que Carcajou était plutôt intempestif et changeait son fusil d'épaule assez radicalement, suite aux insultes lancées par Quinquin... Je me suis donc interrogé, à la p.38, quand c'est au tour de Cocovo de prendre la mouche pour pas grand-chose: est-ce que tous ces personnages seraient maniaco-dépressifs? Un peu de nuances aurait été plus réaliste, il me semble...
- des changements dans les noms. À en croire cet album, le frère de Marie-Cane ne se fait plus appeler que Doki plutôt que Robert-Doki, comme on l'appelait dans le premier tome. De même, celui qu'on appelait Glouton Gulu dans le premier opus semble désormais porter le nom beaucoup plus banal de Carcajou... Pourquoi?:^S
- la présence de Mécazopodes, ces gros robots géants qui veulent «détruire le monde»... Ils étaient très présents dans le premier tome, moins dans celui-ci. Mais d'où viennent-ils? Pour qui travaillent-ils? Sont-ils les relents d'un monde technologique passé, dont on voit souvent les traces (centrales scientifiques et laboratoires désaffectés...) Mais dans ce cas, qui les entretient, les répare? Mystère! Personnellement, je les trouve un peu dichotomiques dans ce monde forestier et animalier.
- un gag amusant mais plus difficile à saisir, pour les plus jeunes. Dans le haut de la p.50, des fourmis commentent d'une façon tout à fait délirante l'interrogatoire de l'infâme Pattmol, le faux prophète... mais j'ai bien peur qu'un tel gag déboussole sérieusement la plupart des jeunes lecteurs!:^S
Plus grandes forces de cette BD :
- la subtilité avec laquelle les différents thèmes sont abordés. Je pense autant à l'exploitation de la crédulité des gens qu'à la religion comme outil de contrôle des masses ou l'écologie (via la commercialisation de l'eau en bouteilles)... Mat parvient à intégrer tous ces thèmes avec aplomb et pertinence, ce qui n'est pas nécessairement évident dans un récit pour la jeunesse!
- le Carcajou. Quel chouette personnage! Lui qui faisait office de principal méchant, dans le tome #1, s'avère être un bon Jack au grand cœur, finalement... Bon, comme je le disais plus haut, ses changements d'humeur sont un peu difficiles à suivre, parfois, mais on sent qu'il a une intéressante profondeur. Mon petit doigt me dit qu'on en apprendra encore plus sur ses motivations dans les prochains tomes! ;^)
- la présence de l'hiver! C'est quand même assez rare que des bédéistes osent illustrer la neige, même chez nos Québécois... ce qui est assez paradoxal!?! ;^D Mat réussit très bien à rendre cette blanche saison, avec juste assez de flocons en premier plan, de traces de pas et de nuances dans les tons de blanc bleuté pour qu'on y croie pleinement! De plus, la présence de cette neige donne à la capture de Doki par le Cocovo des airs de Tintin au Tibet (quand Tintin est capturé par le yéti) ou de Star Wars (quand Luke est prisonnier d'un wampa)!
- l'humour, qui n'est jamais bien loin! Et un humour à plein de degrés! Oui, il y a le nom du vilain monsieur Sakapet qui est assez premier degré, mais il y a aussi les nombreux jeux de mots avec RAT (dont «...trois rat-paces à rat-piécer!», p.8) et toutes les expressions qui ont été adaptées à l'univers canardien (comme à la p.20: «Cesse tes canetontillages...»)! Plus sophistiqué encore, il y a le gag des fourmis dont je parlais plus haut (p.50)... ou la blague du personnage qui prend à partie le fait qu'ils sont tous dans une BD, à la p.24: «Ça fait 20 pages qu'il souffre!»!! Finalement, il y a toujours (je l'avais aussi noté dans ma critique du premier tome) le fait que ces canards oublient presque systématiquement qu'ils peuvent voler!!! Ça les dépêtrerait souvent des situations complexes dans lesquelles ils se vautrent!! ;^D Tous ces leviers humoristiques forment un ensemble vraiment plaisant et très bien dosé.
- une féminisation des titres bien québécoise!! ENFIN un auteur qui ose parler d'une cheffe (p.34) !! À quand des bédéistes européens qui auront le courage de s'y mettre??!
- une chouette illustration pleine page qui fera rêver les jeunes lecteurs (p.31). Je ne vous en dis pas plus: procurez-vous l'album, bande de petits curieux!! ;^D
- un caméo tout discret, mais qui n'a pas su résister à mon œil de lynx. On peut apercevoir, au bas de la p.51, deux Chifflons qui ont les silhouettes fort reconnaissables d'une paire d'irréductibles Gaulois de notre connaissance! ;^)
- la belle longueur du récit! Oui, le combat final est trop long d'une ou deux planches à mon goût, mais ça fait quand même qu'il reste 62 pages de folles aventures!! Ça, c'est de la générosité, mes amis!
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