#01- MIAM MIAM FLÉAU
Scénariste(s) : Marc Simard dit MARSI
Dessinateur(s) : Marc Simard dit MARSI
Éditions : la Pastèque
Collection : X
Série : Miam miam fléau
Année : 2009 Nb. pages : 62
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Aventure fantaisiste, Héros animalier
Appréciation : 5 / 6
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Miam miam! Que c'est bon!
Écrit le samedi 26 septembre 2009 par PG Luneau
Ahhh! Miam miam miam miam… Vous qui êtes un ou une habitué(e) du Pigeonographe et du Passe-Mots, vous devez bien évidemment en savoir déjà beaucoup sur cet album qui, ma foi, est à cent mille lieues du fléau mentionné dans le titre! Vous savez sûrement qu’il s’agit de la première BD que mon grand ami Marsi fait publier. Vous savez aussi qu’elle est parue il y a un mois à peine, aux éditions de la Pastèque. C’est d’ailleurs un des premiers albums «pleines couleurs» à couverture rigide que publie cette maison d’éditions québécoise! Mais probablement en savez-vous assez peu sur l’histoire que raconte ce récit-poursuite de 62 pages, très coloré, à l’image de l’imaginaire débordant de son auteur.
Dans un monde où les villages, derrière des remparts fortifiés, sont en fait des assemblages de restaurants, d’auberges, de réserves culinaires et de celliers, on suit une monture (vaguement chevaline) et son écuyer (vaguement félin) qui traquent vaillamment une gigantesque bestiole (vaguement «pieuvresque») pour l’empêcher de dévorer tout sur son passage.
Issus d’un fantaisiste pays hors du temps, le Royaume des Gorges de la Rigôle, ces personnages ne ressemblent à aucune créature imaginaire connue. Ce ne sont ni des fées, ni des gnomes, ni des elfes ou des trolls. Marsi a su les attifer de morphologies originales et leur donner un cadre de vie aux allures médiévales, avec des coutumes assez proches des nôtres pour qu’on puisse quand même s’y reconnaître. Mais leur existence semble néanmoins inconnue des hommes, à l’en croire le grand souci avec lequel les deux héros se cachent aux yeux des humains… et la surprise qu’inflige la vue de la monstrueuse créature à l’appétit sans borne.
Marsi a véritablement un imaginaire qui lui est propre. Lui seul, fin gastronome, pouvait penser à cet univers où tous travaillent pour le compte du chef cuisinier du village, soit en tant que cuistot, sommelière, pâtissière ou dresseur d’assiettes! Lui seul pouvait nous désarçonner en nous présentant une monture qui se révèle être, en somme, le véritable héros, l’écuyer n’étant que son subalterne.
Avec minutie, exactitude et amour, Marsi a su réunir tous ses ingrédients secrets pour nous concocter un bien appétissant premier tome qui, je l’espère, pourra déboucher sur des suites encore plus palpitantes. À vous de vous délecter : Miam miam fléau se laisse déguster comme un succulent mijoté!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture aux couleurs sublimes. Tous ceux à qui j’ai montré l’album réagissent favorablement et ont de bons mots pour cet amalgame de turquoise, d’aqua, de bleu acier et de vert fluo.
- les remerciements… parce que mon nom y apparaît!!! J’avoue que de pouvoir lire mon prénom imprimé en exergue d’un aussi beau volume est très flatteur… Pourtant, je n’ai fait que botter le derrière de ce génie du dessin qui hésitait à envoyer sa maquette à des éditeurs!
- l’imaginaire inqualifiable du créateur. On reconnaît sa belle fantaisie et son humour dans les pages qui se déroulent dans les gorges de la Rigôle. Et quand on sait qu’il est un passionné de cuisine, on ne se surprend pas de se voir plonger dans un univers de «villages-restaurants», inspiré, dirait-on, des cités fortifiées du Moyen Âge. D’amusantes allusions à la boustifaille se retrouvent aussi dans les noms de lieux ou de personnages ou dans les désopilantes insultes que se crient ces derniers! Qui connaît un tant soit peu Marsi retrouve là son intérêt immodéré pour les mets traditionnels ou exotiques, les techniques culinaires oubliées ou les accessoires spécialisés.
- la rondeur et la précision des traits. Le tracé des dessins de Marsi est d’une clarté exceptionnelle, qui laisse un sentiment de pureté. Hergé, créateur et promoteur du style appelé «ligne claire», s’en délecterait sans contredit! La rondeur des tracés donne à tous les personnages une douceur et une bonhomie sympathiques qui nous les rendent attachants au premier coup d’œil. Même le monstre semble gentil tout plein!
- la générosité graphique de Marsi. Et je ne parle pas simplement ici du fait qu’il passe une vingtaine de minutes par dédicace (comment fera-t-il quand son stand sera assailli, lors des salons du livre?!?). Non, je veux plutôt souligner le foisonnement de détails qui jalonne l’album, surtout dans les plans généraux des décors, tant pour les villes que pour les scènes pastorales ou les très nombreuses scènes de foule. Méticuleux et perfectionniste au possible, je suis convaincu que Marsi a vérifié, revérifié et contre-vérifié l’exactitude des emplacements de tel bâtiment par rapport à tel autre, vus précédemment sous un autre angle, ou de tel personnage par rapport à tel autre, aperçus sur la planche précédente. Mais la magie de la chose, c’est que cette orgie de détails est bien canalisée : l’alternance avec des vignettes plus dépouillées fait en sorte qu’il n’y a jamais de surcharge agressante pour l’œil. Chapeau, vieux!
- la riche faune de la Rigôle, tant Pouette et Coco Météor que le pétissime roi Taraboum 1er et la multitude de monstres qui postulent pour le rôle d’apprenti goûteur. Ces personnages tout en rondeurs ressemblent à des toutous qu’on aimerait câliner! Ils sont tellement sympathiques et rigolos, surtout le trio composé des sires Ustence, Hurlu et Pétuche, au service du roi ! Tout ce petit monde me rappelle un peu le petit monstre vert que Vittorio Fiuricci a créé pour la firme Juste pour rire… mais en mieux! D’ailleurs, ce peuple des Gôls, que Marsi situe dans les gorges de la rivière Rigôle, me rappelle l’esprit festif et fantaisiste de Rêverose, la capitale d’Hallucinaville, monde enchanté et enchanteur que le grand Greg a concocté pour son ami dessinateur Dany, dans la série Olivier Rameau. Le nom du roi, le pétissime Taraboum 1er, n’est-il pas lui-même un clin d’œil aux trois dirigeants de Rêverose, trois magistrats dont l’expression préférée était : «C’est tarazimboummant!» ?
- l’épisode où les héros menacent de fracasser une précieuse bouteille de vin pour obtenir gain de cause! Je trouve cette espèce de «prise d’otage» ingénieuse et amusante, très cohérente avec l’univers de villes gastronomiques mis en place! Elle crée un suspense qui dynamise bien le récit et le fait progresser.
- la richesse du texte et des illustrations qui offre un double niveau de lecture. Cela fait en sorte que cet album peut plaire autant aux enfants qu’aux adultes… mais ça le rend aussi difficile à cataloguer pour un âge précis. Peu importe : c’est une œuvre «tout public», tout simplement.
- les amusants clins d’yeux à la maison d’éditions. Ce n’est certes pas un hasard si Borbo a la forme qu’il a, au final! Et fiez-vous sur Marsi que la composition du Château Gros-Lot, millésime double zéro, n’est pas innocente non plus!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la fadeur des couleurs. Malgré l’unité de ton qui assure une belle facture uniforme, j’aurais opté pour des couleurs plus franches, moins pastelles. J’aurais préféré des bleu ciel plus toniques, des gazons vert tendres plus punchés… C’est une question de goût!
- les trop rares incursions dans les gorges de la Rigôle. Comme je le disais plus haut, ce lieu à la flore luxuriante est si riche en personnages intéressants et mystérieux qu’il mériterait d’être beaucoup plus exploité. J’espère que leur créateur s’y appliquera dans ses futurs tomes (que je souhaite nombreux, il va sans dire!).
- la simplicité de l’intrigue, qui se résume à une poursuite à travers différentes villes… et à l’épique capture de Borbo, dans une finale un peu fortuite. On doit comprendre que le retournement du gigantesque goûteur est dû au fait qu’il est enfin rassasié, mais ce n’est pas clair : après tout, ne vient-il pas de saccager et dévaliser les gargantuesques réserves de trois villes-cantines? J’imagine que c’est parce que son rôle de goûteur royal l’avait condamné à la disette depuis bien trop longtemps! Heureusement, Marsi a finement construit son intrigue : il a réussi à en briser la linéarité en lui insufflant de nombreux changements de lieux.
- les quelques coquilles qui se sont immiscées dans le texte! Marsi en a détectées trois avant même que je ne l’ouvre, j’en ai trouvée une quatrième. Et dire que la Pastèque embauche une correctrice très très très pointilleuse, qui oblige les auteurs à revoir tous leurs textes, apparemment! Il serait grand temps qu’elle dépense autant d’énergie à analyser les épreuves finales AVANT l’impression! Quelle déception que ces confusions de À / A ou de LA / LÀ imprimées en grand format!
- la durée de gestation du projet, qui a mijoté longtemps avant de s’enclencher, et qui a été assez long à réaliser. Je prie St-Accélérateur pour que les prochains tomes voient le jour plus rapidement!
- la nécessité de botter le derrière du fabuleux artiste qu’est l’auteur ! Je parviens encore difficilement à concevoir qu’un dessinateur de cette trempe ait hésité si longtemps à présenter ses œuvres à des maisons d’éditions! J’ose espérer que, maintenant que la roue est lancée, ça lui sera de plus en plus facile de faire les premiers pas. Avec une telle carte de visite, preuve indéniable de son immense talent, et un pseudo aussi accrocheur, il a tout ce qu’il faut pour réussir à percer! Bon succès, mon ami!
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