#01- LE CLOS DES ÉPICES
Scénariste(s) : Christophe ARLESTON, Audrey ALWETT
Dessinateur(s) : Yves Bigerel dit BALAK, Rachel ZIMRA
Éditions : Glénat
Collection : X
Série : Lord of Burger
Année : 2010 Nb. pages : 96
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (inspiration manga)
Genre(s) : Quotidien, Fantastique humoristique, Drame familial
Appréciation : 5.5 / 6
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Un «trois étoiles» en perdition!
Écrit le lundi 09 mai 2011 par PG Luneau
L’excellent dessin animé Ratatouille nous a dressé un si bon portrait du vécu dans les coulisses d’un restaurant trois étoiles que le créateur de l’univers de Troy, le grand Arleston en personne, a eu l’idée d’exploiter ce thème riche de potentiel et d’en faire le cadre de sa nouvelle série, Lord of Burger.
Le Clos des épices est un des restaurants les plus prestigieux de la Ville-Lumière. Il a gagné ses trois étoiles au Guide rouge Michelin grâce à l’incomparable créativité et à l’indomptable perfectionnisme de son chef (et propriétaire!), monsieur Alessandro Caprese. Les deux enfants de cet homme au caractère bouillant et intransigeant n’ont pas eu le choix d’apprendre, à la dure parfois, les bases incontournables de la cuisine : il était inconcevable, pour un homme de la trempe de leur père, qu’ils ne sachent pas, dès leur plus jeune âge, épépiner un concombre, monter une mayonnaise ou cuire une meringue à la perfection!
Mais qu’en était-il des intérêts réels de ces deux enfants? Si Arthur, le garçon, s’est un peu rebellé et a tourné le dos à la famille pour se faire engager comme cuistot dans un restaurant de fast-food spécialisé en burgers (dans le but bien avoué de faire enrager son père!), Ambre, la fille, est restée un peu plus près de son paternel : elle assure le service au Clos, mais ne rêve que de parfaire son art de sculpteure sur glace chez une spécialiste nippone! Mais quelle que soit la profondeur de leur relation avec leur père, elle sera mise à rude épreuve car… celui-ci est retrouvé mort, à demi congelé dans la chambre froide de son restaurant !! Sans qu’ils ne s’y attendent, Ambre et Arthur se retrouvent à la tête du très chic et très sélect Clos des épices… qui s’avère être sur le bord du gouffre!!
Avec le maître queux qui vient de mourir et un personnel hyperqualifié qui sent la soupe chaude et préfère quitter le navire avant que tout ne coule, comment les deux enfants Caprese, âgés dans la jeune vingtaine (et encore!) pourront-ils relever le défi de conserver les si précieuses étoiles que leur père avait apportées à l’établissement? Il leur faudra embaucher du nouveau personnel et le former de manière professionnelle en très peu de temps… Autant souhaiter un miracle!
Et si vous croyez que le miracle survient dans ce premier tome, détrompez-vous! Quand tout va mal et qu’on croit avoir touché le fond, on découvre que le baril a un ou deux doubles fonds bien profonds qui ne demandaient pas mieux que de s’ouvrir sous nos pieds!! Arleston et sa coscénariste, Audrey Alwett, nous ont gâtés : les malheurs s’accumulent autour des deux jeunes Caprese, et il leur faudra manifestement plus d’un tome pour parvenir à retrouver un semblant d’équilibre dans leur vie!
Apprendront-ils un jour que c’est une main criminelle qui a fermé et verrouillé la porte de la chambre froide dans laquelle leur père est mort?? Et apprendrons-nous avec eux l’identité du criminel en question?? Sûrement, mais pour l’instant, l’emphase est mise sur la remise en marche du Clos, sans son chef!
Malgré le petit format (regrettable, tant les vignettes sont superbes!), les dessinateurs Balak et Zimra, sous la supervision du prolifique Alessandro Barbucci (reconnu notamment pour ses Sky-doll et Monster Allergy), ont réussi à m’éblouir. J’adore ce style, très léché, frôlant la perfection, dans lequel les bédéistes italiens sont très forts, et qui constitue un très savant mélange entre les meilleurs éléments graphiques des comic books et ceux des mangas! Le tout pour illustrer un scénario qui, heureusement, a la rigueur et l’efficacité du meilleur de la BD franco-belge!!
Bref, c’est un sucre à la crème des plus savoureux qui se cache sous cette belle couverture souple. Je vous invite tous à y mordre à belles dents, dès treize ans.
Plus grandes forces de cette BD :
- la texture satinée de la couverture, avec certains éléments pelliculés. Cette douceur est toujours agréable au toucher!
- la page de garde, avec la belle Ambre en genre de mannequin attifée de mille et une façons. Toujours dans la même pose mais avec des vêtements différents, elle ressemble vraiment à ces «poupées de carton» que les jeunes filles s’amusaient à vêtir à l’aide de vêtements ou d’accessoires de papier avec des languettes à rabattre, pour les faire tenir sur lesdites «poupées», il y a de cela très longtemps!
- les effets spéciaux de la coloration. Les statues de glace, par exemple, sont vaporeuses et diaphanes à souhait. Tout au long de ma lecture, j’avais l’impression de regarder un dessin animé sur grand écran tant les couleurs étaient lumineuses et transcendantes! De l’excellent travail de la part d’Andry et de Florence Torta!
- les mises en page très vivantes, éclatées. Les vignettes se chevauchent, s’encadrent mutuellement, explosent. C’est dynamique tout en restant très lisible. Chapeau!
- les dessins, sublimes. Quelle fraîcheur! Quelle gaieté dans les visages! Le style italien, très en vogue ces temps-ci, en est un que j’adore. Tout est léché, poli, parfait… Barbara Canepa et Alessandro Barbucci ont ouvert la porte avec Sky-doll, et depuis, tous ces dessinateurs, souvent issus des studios de Disney-Italie, sont de plus en plus publiés en français. On peut penser à la franchise W.I.T.C.H. ou à la fabuleuse et passionnante série Wondercity (dont j’attends le tome #5 en français depuis si longtemps que j’en déduis qu’il ne sera jamais traduit, l’entente étant probablement morte avec la triste disparition de la collection NG, chez Soleil !!)… Lord of Burger suit ce style graphique, tout en y intégrant une fouletitude de codes propres aux mangas. J’adore!!
- la parfaite symbiose des styles! Rarement a-t-on réussi un si bel amalgame de manga, de comics, de design italien et de franco-belge! C’est admirable et très encourageant pour l’avenir du neuvième art!
- l’humour, bien intégré dans le récit. Les mimiques toutes «mangaïennes» et exagérément stupéfaites quand les personnages sont surpris, le comique de situation (quand Ambre perd ses moyens en présence du sensuel Victor, ou devant sa gourou du sabre, Sachi-Sama, par exemple) et quelques bons gags parsèment le récit. C’est très efficace et nous rend l’ensemble éminemment sympathique.
- l’intrigue mystérieuse. Bien qu’on n’en fasse pas de cas ici (voir plus bas), le fait que ce soit une main gantée de noir qui emprisonne volontairement le chef Caprese dans la chambre froide jette sur le récit un voile de mystère qui augure bon pour les prochains tomes… Après tout, pour être présent au restaurant si tard et connaître les habitudes du chef, il faut que ce soit quelqu’un de l’endroit !?! J’ai déjà ma petite idée sur l’identité du ou de la coupable, mais je ne parlerai qu’en présence de mon avocat. Chose certaine, c’est que j’ai très hâte d’en savoir plus!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le nom de la série, en anglais!! Encore!! «Le Seigneur des Hamburgers», est-ce tellement plus compliqué à comprendre?? Est-ce si vulgaire en comparaison à Lord of Burger?? Qu’est-ce, mais qu’est-ce donc que ça rajoute de plus de l’avoir écrit dans la langue de Shakespeare, pour l’amour????? Il me semble pourtant que les Français ont toujours été «assez» fiers de leur langue? Serait-ce qu’ils veuillent maintenant la renier?? Je ne comprendrai jamais rien à ce phénomène d’anglicisation à outrance!
- le format. Il est correct, en soit, mais le contenu est si beau qu’on désirerait ardemment le voir dans un format plus grand.
- l’absence d’emphase sur les circonstances du décès du chef Caprese. Les policiers ont sans doute remarqué que la porte de la chambre froide a été verrouillée de l’extérieur… L’hypothèse du suicide est donc logiquement écartée!! Alors pourquoi l’enquête n’est-elle pas commencée (surtout que plusieurs semaines s’écoulent entre le décès et la fin du volume!)?
- la scène d’agression sexuelle. En soit, elle est très crédible et efficace… Ma déception vient juste du fait que j’aurais aimé que mes élèves puissent bénéficier d’une série aussi excellente!! Malheureusement, ils devront attendre quelques années, car avec une telle scène, la série ne s’adresse pas aux jeunes de moins de treize ou quatorze ans!... Mais qu’est-ce que les plus vieux vont se régaler, eux!!
- le changement de maquette annoncé! C’est chouette, cette idée de grossir les planches, pour qu’on puisse apprécier encore plus l’exceptionnel talent de Balak et de Rachel Zimra… Et c’est TRÈS chouette cette idée, avancée sur le Net, que les tomes à venir contiendront dorénavant des recettes en lien avec le récit!! Seulement, ce qui est moins chouette, c’est quand tu possèdes déjà le tome #1 d’une série, et que les éditeurs décident d’en changer toute la maquette! Autant leurs raisons sont pertinentes et justifiables, autant ça me met en rogne car ça oblige les premiers acheteurs, ceux qui valident l’efficacité de la série, à racheter une nouvelle édition du tome #1, ou à se passer de toutes ces améliorations pour leur tome premier. Dans les deux cas, je trouve que c’est manquer grandement de respect pour un lectorat qui se voudrait fidèle. Il me semble que ce genre de situations pourrait si facilement être évité! Un bon focus-groupe peut très facilement être mis en place AVANT l’impression de masse de la première édition. Il aurait pour but premier de valider si la série X a ce qu’il faut pour plaire. Ensuite, les comités de mise en marché et de marketing pourraient se pencher sur les décisions un peu en marge du récit (bien que très en lien avec lui!), comme le format, le type de couverture, les extras et gadgets, les lettrages et dessins sur les dos des albums… Tout cela étant réfléchi AVANT la publication officielle de la première édition, celle-ci n’aurait pas à voir sa jaquette ou son contenu modifiés avant plusieurs années! On ne pense jamais aux collectionneurs, ma parole!! Ahh! Attendez que j’ouvre ma propre maison d’éditions!!
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