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#01 - Légendes d'un peuple
#01 - LÉGENDES D'UN PEUPLE
Scénariste(s) : Gilles LAPORTE
Dessinateur(s) : Vincent PARTEL
Éditions : Septentrion
Collection : X
Série : Légendes d'un peuple
Année : 2014     Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Courts récits
Genre(s) : Biographie, Western / Amérindiens / Nlle-France
Appréciation : 4 / 6
Pour qu'on s'en souvienne... vraiment!
Écrit le samedi 17 janvier 2015 par PG Luneau

S'il est un peuple avec une devise nationale complètement déconnectée de sa réalité, c'est bien le peuple québécois!!! En effet, je pourrais vous citer des dizaines d'exemples démontrant à quel point on n'a pas de mémoire en tant que peuple, ne serait-ce qu'en regardant notre façon de voter!! Et même si on laisse de côté la politique, ce n'est guère mieux : l'histoire a toujours fait figure de parent pauvre dans nos différents cursus scolaires! C'est une tristesse de constater à quel point il y a si peu de gens qui s'y intéresse, qui se penche sur notre passé!! Non mais c'est vrai!! Combien d'entre vous se souvient du nom de l'homme considéré comme étant le premier colon à être venu s'installer à Québec, avec Champlain?? Combien se souvient de son métier?? Et le nom de sa femme, vous vous en souvenez?? Le couple Hébert-Rollet est pourtant la racine centrale de toute l'Amérique francophone!! Mais personne ne s'en soucie, comme s'il s'agissait d'une banalité sans nom!! :^(

Heureusement, il existe quelques passionnés pour veiller aux grains et entretenir la flamme (comme je le fais moi-même avec mes élèves!)! Mentionnons d'abord Alexandre Belliard, un poète-chansonnier qui a décidé de composer toute une série de chansons sur les grands héros de l'histoire de la Francophonie américaine!! Quel noble et beau projet que celui-là!!

Inspiré par cette idée, et désirant y apporter une continuation littéraire, l'éminent historien, professeur et écrivain Gilles Laporte a décidé d'y contribuer en relatant les hauts faits de ces importants personnages historiques... et c'est sous forme de BD qu'il a décidé de le faire!! ;^) Avec, au dessin, Vincent Partel, un Français d'origine, grand amoureux de notre Belle Province, il vient de publier le premier album BD des éditions Septentrion (spécialisées en histoire! ;^). Il s'agit de Légendes d'un peuple (tome #1), un recueil qui regroupe 6 courts récits, de 5 à 12 planches, nous racontant brièvement la biographie de personnalités dont on a déjà lu les noms dans nos livres d'histoire (comme les Hébert, d'Iberville, Papineau ou Riel...), mais aussi celle d'autres gens moins connus mais au destin tout aussi fascinant (comme Marie-Anne Gaboury ou Émilie et Nolasque Tremblay...).

En découvrant la vie de ces êtres au courage exemplaire, il est difficile de ne pas faire le parallèle avec la série Radisson, que Jean-François Bérubé nous a offerte, il y a quelques années : après tout, le contexte, les enjeux et même le traitement graphique en sont très semblables. Mais plutôt que de se cantonner à la seule Nouvelle-France, messieurs Laporte et Partel ratissent plus large et embrassent la francophonie canadienne dans son ensemble, tant celle de l'époque où nous devions nous en remettre au roi de France que celle qui se faisait enlever le pain de la bouche par la Couronne britannique!! Ainsi, on passe des débuts (quand Champlain pouvait compter sur la toujours présente famille Hébert-Rollet) aux luttes contre l'ennemi anglais (avec les combats maritimes de Pierre Le Moyne d'Iberville, dans la baie d'Hudson, les Rébellions des Patriotes et la triste lutte des Métis de l'Ouest canadien). Pour conclure, ils nous offrent l'étonnante histoire d'un couple de pionniers de l'Ouest, lors de la Ruée vers l'or du Yukon, et un étrange récit d'inspiration amérindienne.

Ceci dit, ces récits sont parfois inégaux. Certains peuvent susciter moins d'intérêt (personnellement, ma passion pour l'histoire a tendance à s'essouffler dès qu'on dépasse les années 1800, alors j'accroche moins à l'épopée des Rébellions de 1836-37 ou aux luttes des Métis), d'autres ont une signature graphique qui tombe moins dans mes cordes (comme le récit des Métis ou la fable huronne). En fait, monsieur Partel semble s'être permis diverses expérimentations graphiques, certaines plus plaisantes que d'autres, et j'ai l'impression que son style a beaucoup progressé en cours de production, ce qui pourrait expliquer le décalage entre certains dessins.

Reste que malgré ces petits bémols, chacun des récits m'a donné un éclairage nouveau et rafraîchissant sur ces moments-clés de notre histoire, et j'en ai appris beaucoup, même au sujet des personnages que je croyais déjà bien connaître!! C'est dire la valeur d'un tel ouvrage!

Il faut donc féliciter les gens de chez Septentrion d'avoir pris le beau risque de se lancer dans la publication de BD. Après tout, c'est peut-être en jumelant histoire nationale et 9e art qu'on finira par sensibiliser et intéresser les gens?? J'espère ardemment qu'on pourra voir la suite du projet, et que d'autres projets du genre pourront aussi voir le jour : j'aime trop voir mes deux passions réunies!! ;^)

Donc, si vous désirez en apprendre plus sur ceux qui ont fait ce que nous sommes, si vous voulez, par exemple, tomber sous le charme fascinant des idées de Papineau (celui qui avait une tête... et qui a maintenant tout un pont!! ;^), sautez sur Légendes d'un peuple... Je gagerais que vous aurez, par la suite, l'envie d'entendre le répertoire du jeune Belliard!!

Dès 11 ans.

 

Plus grandes forces de cette BD :

 

  • la belle variété de personnalités proposées. Les auteurs ne se sont pas contentés de la période de la Nouvelle-France, et ils ne se sont pas limités à la vallée du St-Laurent : ainsi, on a droit, comme je le disais plus haut, à l'épopée des Métis, à la Révolte des Patriotes... et même au couple à l'origine de la francophonie yukonnaise!!? C'est très varié!

 

  • les petites capsules «Pour en savoir plus», en exergue de chacun des récits. C'est vraiment très généreux de nous offrir ainsi, sur un plateau d'argent, le nom de diverses ressources (BD, documentaires, essais, sites internet...) pour poursuivre nos découvertes, advenant le cas où le personnage présenté nous intéresse particulièrement... et puisque les auteurs réussissent immanquablement à susciter notre intérêt, il est très clair que ces références vont servir!!? Merci beaucoup!

 

  • plein de petites informations nouvelles, même pour un passionné d'histoire comme moi!! Je ne savais pas, par exemple, que le frère de Marie Rollet avait accompagné les Rollet-Hébert! De plus, je n'avais jamais réalisé que Marie avait, par la force des choses, appris l'algonquin! Et si je savais que Louis Hébert était apothicaire, j'ai appris ici qu'il portait le titre de médecin royal... ce n'est pas rien! ;^) La bataille navale de Le Moyne d'Iberville (et d'Ardillières - ça aussi, c'était nouveau pour moi!!) m'a permis de faire de belles découvertes : grâce à monsieur Laporte, je comprends maintenant qu'il y avait toute une série de stratégies lors des combats aux canons : tirer dans les voiles (pour les percer et empêcher la fuite), tirer sous la ligne de flottaison (pour créer des voies d'eau... et couler le bâtiment!!)... Bref, j'ai appris encore plus de choses fascinantes, dans pas mal tous les récits! ;^)

 

  • la qualité générale du dessin. Monsieur Parvel est en train de développer un style semi-réaliste très agréable. J'aime beaucoup lorsqu'il exploite des lignes simples et dépouillées pour dessiner les visages de ses personnages, en leur traçant de simples points noirs pour les yeux, un peu comme ceux de Tintin. En fait, je trouve que ses personnages ressemblent à ceux de René Sterne, qui a dessiné la très belle série d'aventure Adler. Mon coup de cœur va indéniablement au récit portant sur Émilie et Nolasque Tremblay! Wow! Quelle finesse dans les traits! Le style graphique en est si différent que j'ai l'impression que monsieur Partel a utilisé une toute autre technique, comme s'il avait travaillé à l'encre de Chine avec une plume extrafine!! (mais mes connaissances techniques en la matière étant plus que limitées, je me goure peut-être complètement!! ;^) Chose certaine, la délicatesse qui se dégage de ces cinq planches, plus léchées, est véritablement remarquable, et elle m'a particulièrement touché, tant dans les superbes décors sauvages que l'artiste met en scène (forêts, montagnes, paysages - dont celui, en plongée, de la p.51, sublimement cinématographique...) que chez les personnages.

 

  • les paroles des anglophones... en anglais!! Personnellement, j'ai aimé le choix de les laisser dans leur langue originelle : ça m'a permis de pratiquer mon anglais!! ;^)... Mais peut-être qu'une traduction (en bas de page ou en fin de tome) pourrait être pertinente, surtout pour les lecteurs plus jeunes ou moins familiers avec la langue de Shakespeare, non?...

 

  • quelques encadrés narratifs qui mettent bien en place le contexte des mini-récits, surtout dans le cas d'Iberville (comme aux p.17 ou 22... On y apprend même que Fidel Castro glorifie notre Iberville!! ;^)

 

  • certains des propos de Papineau, d'une étonnante justesse et, malheureusement, encore d'actualité... ce qui démontre bien que, souvent, plus ça change, plus c'est pareil!!? Ainsi, ce que ce grand orateur lance, dans le haut de la p.26, pourrait très bien répondre à certains «accommodements déraisonnables» comme l'instauration de la charia ou l'acceptation des écoles religieuses illégales, au Québec! C'est fou qu'un discours de 1837 puisse répondre à des problématiques survenant presque 200 ans plus tard!! ;^) D'ailleurs, j'ai été étonné de constater à quel point les moyens préconisés par Papineau pour renverser l'oppression britannique de son époque trouveront écho dans les propos pacifistes de Gandhi... qui visera les mêmes objectifs, une centaine d'années plus tard! :^O

 

Ce qui m'a le plus agacé :

 

  • la fadeur de la couverture. En fait, le choix de couleurs plutôt ternes peut s'expliquer par la volonté de donner une impression de dessin d'époque... mais jumelé à un personnage avec un air aussi sévère, ça donne une certaine austérité à l'ensemble (pour utiliser un terme à la mode!)

 

  • l'inconstance dans les illustrations qui servent de frontispice à chacun des récits. Autant plusieurs sont littéralement splendides (comme celles introduisant le texte sur Papineau - savamment construite -, la fable wendate ou, sublime entre toutes, le récit des Tremblay!), autant d'autres sont inutilement trop chargés (comme celui de Marie Rollet ou celui d'Iberville - mais que vient faire la roue à cet endroit?). Quand il cherche à faire des patchworks avec les illustrations d'un récit pour s'en servir comme incipit, Monsieur Partel a tendance à tellement en mettre que ça en devient difficile de discerner les divers éléments! Une plus grande simplicité donnerait un résultat plus intéressant, à mon humble avis.

 

  • l'absence de plusieurs outils documentaires, comme des repères temporels! Cet oubli me semble difficilement pardonnable, surtout de la part d'une maison d'éditions aussi bien cotée sur le plan des ouvrages historiques!! J'aurais aimé, par exemple, avoir plus fréquemment des encadrés narratifs pour m'indiquer en quelle année on était rendus. Le «premier hiver désastreux» dont on parle à la p.9, c'est celui à l'Abitation de Québec (en 1608), le premier passé à Port-Royal (en 1605), celui à l'île Ste-Croix (en 1604) ou la toute première hivernation de Champlain en sol américain, à Tadoussac (en 1603)??!! Plus loin, à la p.14, on ne nous indique même pas en quelle année les frères Kirke ont capturé Québec!! De même, à la p.37, on nous dit que les Métis ne voulaient pas répéter l'erreur de 1870... mais à laquelle font-ils allusion?? Pas moyen de le savoir!! Aucun des événements qui précèdent n'est daté de cette date!! :^( Ce me semble des détails primordiaux!! Il aurait été aussi très pertinent d'ajouter une belle ligne de temps, question de pouvoir mettre tous les récits en perspective, les uns par rapport aux autres, et même un glossaire, surtout si on veut que cette série d'albums soit exploitée en classe! Par exemple, je suis sûr que plusieurs jeunes (et même de moins jeunes... dont moi!! ;^) auraient aimé qu'on leur explique ce que sont l'agriculture extensive ou la pêche à fascines dont on parle aux p.52 et 53! ;^)

 

  • quelques choix artistiques moins judicieux. Par exemple, l'ancre de la 2e case de la p.20 aurait dû, à mon avis, être plus centrale, plus facile à repérer. De même, dans la 2e case de la p.47, le personnage de Nolasque aurait dû être plus proéminent : c'est là qu'il est introduit et nommé... mais toute notre attention est attirée vers le violoneux, sur la droite! Autre exemple, Partel a choisi de nous représenter Pierre Le Moyne d'Iberville avec de longs cheveux blonds et une très grande cape au large capuchon bleu-gris... qui cache complètement son uniforme et ses formes! Au bout du compte, on jurerait une fille!!??

 

  • les gros plans de personnage. Quand il veut montrer les traits du visage de ses héros, monsieur Partel se risque à un style plus réaliste...qui donne malheureusement un résultat beaucoup moins intéressant. De fait, dans ces cas-là, il accentue beaucoup l'encrage, pour créer les contrastes et le relief des visages... mais ça assombrit fortement ses cases et alourdit les planches concernées. J'en tiens pour exemple son Champlain du haut de la p.10, et plusieurs des visages du récit (double : il fait 12 planches, celui-là!) sur Louis Riel et les Métis. C'est dommage car son trait semi-réaliste est tellement plus intéressant, léger et inventif (comme dans tout le récit sur les Tremblay du Yukon, de loin le mieux réussi, graphiquement parlant).

 

  • l'appellation Légendes, apposée au 4e chapitre. En effet, le long récit qui nous dresse le portrait de la résistance des Métis de l'Ouest canadien nous présente les grandes lignes de la vie de trois personnages qui ont marqué ce moment important de notre histoire : Marie-Anne Gaboury, Louis Riel et Gabriel Dumont... Mais pourquoi intituler ce chapitre Légendes métisses?? Une légende, c'est une histoire fictive inspirée de faits vécus qui, souvent, ont été exagérés pour l'occasion. Est-ce à dire que ce qui est raconté dans ce chapitre a été déformé, grossi?? Je trouve que ce sous-titre vient semer un doute sur la véracité de ce qu'on nous raconte... D'ailleurs, dans cette même lignée, je trouve que le nom de la série elle-même peut avoir le même effet pervers : Légendes d'un peuple... Ces récits sont-ils historiquement rigoureux ou si le bouche à oreille les a dénaturés pour faire de leurs protagonistes des héros plus grands que nature?? Je veux bien croire qu'il faille prendre ici le terme légendes dans un sens plus large, mais il me semble qu'il affaiblit néanmoins l'impact de la portée du volume.

 

  • tout le dernier «chapitre». Intitulé Fable wendate, je m'attendais évidemment à ce que ce soit une fable, d'origine huronne-wendate... et pour en avoir déjà lues quelques-unes, j'avais bien hâte de la découvrir!! ;^) En fait, on est en présence d'une espèce d'ode à la mentalité amérindienne, d'une prière à Dame Nature comme seuls les Amérindiens savent le faire. On y voit un Huron qui pêche à la ligne en philosophant sur les bienfaits des ressources naturelles, en communiant avec sa prise éventuelle ... Parallèlement, des soldats anglais naviguent dans le coin, ce qui sera fatal au pauvre bougre. Une fable??!! Bof. Une représentation assez gratuite de la cruauté des Anglais envers les Amérindiens, plutôt. Et je ne comprends pas trop, ni le message, ni ce que ça a à voir avec le reste du volume, qui  nous présente des personnages historiques importants. J'aurais préféré qu'on m'illustre les grands moments de la vie d'un Amérindien ayant déjà existé que cette compote mystico-songée, très touchante mais un peu déconnectée du reste. Graphiquement, d'ailleurs, c'est plus jeté, plus charbonneux, plus brute... un style que j'aime moins, personnellement.

 

  • le fait de laisser le dessin final non-identifié. Après vérification sur le Web, j'en conclus que ce jeune guitariste est Alexandre Belliard, le chansonnier à l'origine du projet dont je parlais plus haut. Cet hommage est bien gentil, mais il aurait été intéressant qu'il nous soit expliqué en bonne et due forme. :^S

 

 


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@ Danielle : «Je me souviens»... Encore faut-il, pour se souvenir de quelque chose, l'avoir entendu, lu ou vu au moins une fois!! ;^)
Je peux comprendre tes réserves : j'en ai aussi, du même genre que les tiennes... Mais que de richesses historiques!! ;^)
Rédigé par pgluneau le lundi 27 avril 2015 à 18:45


Honte! Je ne connaissais pas la moitié des héros de ce livre. Ils seraient d'ailleurs sûrement demeurés méconnus si je ne m'étais arrêtée qu'à l'aspect graphique et à la façon de raconter qui ne sont vraiment pas dans mes goûts. Exception faite, peut-être, pour la dernière fable Wendate qui présente un trait de crayon plus affirmé.
Rédigé par Danielle le lundi 27 avril 2015 à 14:13


@ Anne des Ocreries : Je te souhaite de tout coeur que les ouvrages des éditions Septentrion soient distribués en France!! C'est sûr que tu en apprendras tout plein sur l'histoire et les défis de nos ancêtres!!
Rédigé par pgluneau le samedi 17 janvier 2015 à 22:54


Ouah ! j'le veux j'le veux j'le veux ! j'adooooore en apprendre davantage - même si je dois sortir le Harrap's pour comprendre certaines bulles ! Nan, sans dec', y m'le faut !!!!
Rédigé par anne des ocreries le samedi 17 janvier 2015 à 13:52




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