#03- SI ÇA RATE, FORMATE!
Scénariste(s) : GANG
Dessinateur(s) : Thomas LABOUROT
Éditions : Soleil
Collection : MDR:)
Série : Geeks
Année : 2009 Nb. pages : 38
Style(s) narratif(s) : Gags en une planche
Genre(s) : Humour, Quotidien
Appréciation : 4 / 6
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Binaire + Naruto + Jar Jar Binks + Quantique + Ulysse 31 = ???
Écrit le dimanche 03 avril 2011 par PG Luneau
Pour plusieurs, un «geek», c’est un crack d’informatique, genre de gars qui passe 18 heures par jour devant l’écran de son ordinateur et les six heures restantes le nez plongé dedans à le démonter et le remonter. Malgré le caractère assez asocial du type, et son hygiène souvent douteuse, on est tous très fiers de l’avoir dans notre entourage quand vient le temps d’acheter un nouvel ordi sans se faire avoir, quand cette nouvelle acquisition plante encore lamentablement après huit tentatives ou que des virus l’assaillent de tous bords tous côtés avant même qu’on ait fini d’installer le coupe-feu (by the way, ça s’installe comment, un coupe-feu???) !
Mais la culture «geek», que certains qualifieront de sous-culture, ce n’est pas que le regroupement de ces mordus d’octets, de modems, de logiciels et de programmation! C’est bien plus que ça! En effet, par un effet d’association étrange, le terme «geek» englobe aussi toute une tonne de domaines (sous-)culturels adjacents. Qu’on pense aux joueurs de jeux de rôles (dont je suis!), aux Trekkies et autres amateurs de science-fiction et de fantastique (dont je suis!), aux joueurs de jeux vidéo et de jeux en ligne, aux fanas de comic books américains ou de mangas qui courent les conventions et les cosplay (ces conventions où les participants arrivent déguisés en leurs personnages favoris) ou à tous ceux que les gadgets technologiques, avec plein de manettes et de boutons, rendent gagas… Tous viennent grossir le nombre des «geeks» de cette planète… Le rayon d’action de la «geekitude» est donc rendu si vaste qu’il est à peu près impossible que vous n’en faites pas, vous-mêmes, partis… ou, du moins, que vous n’en connaissiez pas deux ou trois dans votre entourage immédiat!
C’est pourquoi tout le monde peut sourire en lisant la série de gags en une planche les Geeks, que Labourot et sa Gang publient chaque mois dans Lanfeust mag, et que Soleil édite ensuite en albums. En effet, tous reconnaîtront qui un frère, qui un collègue de travail, qui son conjoint… Car cette série met en scène un petit groupe de passionnés des plus sympathiques. Si quatre d’entre eux (dont une fille, car les «geekettes» existent, même si elles sont très rares!) travaillent dans le milieu de l’informatique, l’autre tient une librairie spécialisée dans les comic books et anime les parties de jeux de rôles du groupe. Quant à la petite dernière, Julie, c’est la blonde d’un des gars. Elle est beaucoup moins geek que les autres, mais subit (parfois à son avantage!) les passions de son copain, de leur coloc et de leurs amis. La pauvre, elle représente un peu monsieur et madame tout le monde, perdus et dépendants comme nous pouvons tous l’être dans cet univers aux codes si étranges et si établis!
Les gags sont généralement honnêtes. Ils nous décrochent habituellement un petit sourire amusé ou tendre, très rarement un rire franc. La Gang, pseudo du collectif qui signe les scénarii, maîtrise bien son sujet et dresse un bon portrait de ces passionnés, de leurs travers et des réactions qu’ils peuvent susciter auprès de leur entourage. Mais ce sont surtout les dessins de Labourot que je trouve particulièrement joli. Il utilise une ligne claire très fine, qui lui permet de mettre en scène une tonne de détails tout en restant d’une netteté visuelle irréprochable. Son inspiration manga est palpable, mais sans être encore trop envahissante (quoique je commence à avoir quelques réserves – voir plus bas). De manière générale, son graphisme est fort agréable, même s’il est bien plus «commercial» que celui qu’il utilise dans sa série Washita, véritable chef d’œuvre artistique de Labourot.
Ainsi, si vous voulez vous tenir à jour avec les nouveautés technologiques, connaître les dernières sorties de films de S.F. ou savoir où en est le conflit entre Batman et Superman, mais surtout si vous voulez rire de tout ça, je vous invite à lire un des six albums des Geeks. Et comme il faut rester concept, cette série possède un site internet très complet qui vous permettra de mieux faire connaissance avec Julie, Fred et leurs amis… et qui vous apprendra que le tome #7 sortira sous peu! Moi qui ne suis rendu qu’au tome #3, j’ai donc de la lecture à rattraper!!
Plus grandes forces de cette BD :
- une illustration de couverture très efficace. Qui n’a jamais rêvé, au moins une fois dans sa vie d’usager d’ordinateur, de démolir tout son matériel à l’aide d’une masse indestructible, comme Julie est sur le point de le faire?? On a tous ressenti ce désir viscéral de destruction en présence d’un bogue technique incompréhensible (excusez le pléonasme : ne le sont-ils pas tous?!). Cette vision est quelque peu jubilatoire et cathartique! Et que dire de la maquette de la couverture, qui reprend la bande de tête d’un écran d’ordinateur, avec les petits icônes de navigation qu’ils comportent? C’est très concept, vous ne trouvez pas?
- les splendides couleurs de Lerolle. Ce dernier utilise la coloration par ordinateur, c’est manifeste, mais il la maîtrise avec brio. J’adore ses coloris très vifs et joyeux, qui égaient tout l’album. Déjà avec le titre, qui reprend les couleurs (et la typographie!) du logo de Google, nous sommes plongés dans la légèreté de l’humour gentil que nous offre cette série.
- un titre amusant. Si ça rate, formate! est une rimette bien de circonstance, non? Surtout qu’elle résonne comme un écho à celle du titre du tome #2, qui était Dans le doute, reboote! On reste dans le thème, et c’est très concept, encore une fois!
- les personnages. Si vous connaissez UN crack d’informatique (pensez simplement à celui que vous appelez, en larmes, quand un bogue fait planter votre ordi!), certains des personnages de cet album vous feront penser à lui. Et si vous en connaissez plus d’un, il y a fort à parier que la plupart des gags vous ramèneront à des situations déjà vécues en leur compagnie. Tous ces jeunes adultes (Fred, sa copine Julie, leur coloc Vincent, et leurs amis Charline, Hubert et Charles-Benoit) sont fort sympathiques. Et les relations qui les unissent sont réalistes : que ce soit le couple, le frère et la sœur, les collègues de travail, les copains de jeux de rôles… D’ailleurs, les six principaux personnages vous sont gentiment présentés au verso de la page titre, via leur profil personnalisé! Et – joie suprême! – pour nous les rendre encore plus réels, on nous donne même leur adresse personnelle de courriels : à vous de vérifier si on peut réellement leur laisser des messages!!
- un petit clin d’œil à la série Barbeuk et Biaphynn, une autre série de gags en une page qui paraît dans le Lanfeust mag. On reconnaît parfaitement la couverture du tome #1 à la page 3, sur l’album que Julie lance à Fred. D’ailleurs, le magazine Lanfeust mag lui-même apparaît à quelques reprises dans les mains des personnages : tant qu’à leur faire lire quelque chose, autant en profiter pour faire de l’auto-promo!
- la numérotation des gags… en base 3!! Ce système trinaire, presque purement théorique, n’utilise donc que trois chiffres : le 0, le 1 et le 2. Ainsi, on lit le gag #1, puis le 2, puis le 10, le 11, le 12 et le 20. Suivront les gags #21, 22, 100, 101, 102, 110, 111, 112 et 120… Ainsi, grâce à ce décompte tout ce qu’il y a de plus geek (encore ici, remarquez le concept dans les moindres détails!), le dernier gag porte le numéro 1100, même s’il n’y a que 36 planches!!
- des thématiques qui me rejoignent, m’intriguent ou m’amusent. Comme la «geekitude» couvre autant l’informatique que les jeux de rôles, les comic books, les cosplay, les nerds, les vieilles émissions d’antan ou la haute technologie, c’est un vaste champ de possibilités humoristiques qui s’ouvre à l’équipe de cinq scénaristes. Ça permet une belle variété de gags, très souvent dans mes cordes (moi qui trippe sur ET les jeux de rôles, ET les BD, ET les émissions jeunesse d’autrefois, ET la S.F., ET la fantaisie héroïque, ET…)! Et le tout est parfaitement bien rendu! Les bureaux et les appartements des personnages fourmillent de figurines de Star Wars, de cubes Rubik, de posters de film, tous portent toujours des t-shirt à l’effigie de Spiderman, des Maîtres de l’univers ou de Sesame street!... On voit que les créateurs connaissent parfaitement leur sujet!!
- le personnage à découper et à assembler, à la dernière page. Ces gadgets, de forme très cubique, sont plus amusants qu’esthétiques. L’important, c’est qu’ils fassent très geek. Encore ici, concept!! Le site de la série l’Académie des chasseurs de primes offre aussi ce genre de modèles en papier de ses personnages, à imprimer et assembler. C’est la mode, apparemment!?
- le quatrième de couverture. On y retrouve toujours les principaux personnages, mais dans des costumes ou des attitudes en lien avec un film ou un jeu vidéo à la mode. Pour cet album-ci, on les voit en Geek Fighter III (une parodie de Street Fighter III, j’imagine, bien que je ne connaisse pas vraiment cet univers), mais les tomes à venir nous les montreront costumés tant en personnages de Toy Story qu’en perso de Star Wars!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les affiches de cinéma, posters ou même logos de t-shirt scannés plutôt que dessinés. Ces images numérisées sont rapetissées puis insérées dans les vignettes comme éléments de décor. La qualité de résolution est telle que tous les détails restent d’une netteté parfaite. Même si l’affiche du film «the Nightmare before Christmas» (l’Étrange Noël de monsieur Jack) se retrouve, toute petite, en arrière-plan du salon de Charline, par exemple, on peut presque encore y lire le nom des acteurs, dans le bas!! J’exagère, mais on distingue vraiment tous les petits détails de ces dessins. Ce procédé, de plus en plus utilisé (je l’avais relevé aussi dans l’album Luck, du Québécois Michel Falardeau), me déplait. D’abord, ces inserts ont généralement un style graphique qui détonne beaucoup de celui du dessinateur. Puis, j’ai comme l’impression qu’ils démontrent une certaine forme de paresse de la part de ce dernier… ou du coloriste, si c’est lui qui les détermine? Mais, comme me le soulignera sans doute un de mes fidèles lecteurs, il n’y a peut-être que moi que ça chipote!?
- les éléments manga qui s’imposent de plus en plus : oiseaux qui passent pour appuyer un temps mort rempli de sous-entendu, petites faces en minuscule dans les phylactères quand la personne qui parle est hors-champ, yeux et bouches exagérément agrandis pour montrer la surprise ou la colère… Il me semble que ces codes, issus des mangas, n’étaient pas aussi présents dans les premiers tomes, ou du moins qu’ils étaient plus discrets…
- le format de l’album. Qu’est-ce que c’est que ça, un album de 40 pages avec seulement 36 planches!! C’est à peine plus que la norme de 32 pages pour les tout-petits!! Soleil veut faire de l’argent, manifestement, en en donnant moins pour le même prix!
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