#04- LES PIONS DE MR K.
Scénariste(s) : Pascal ROMAN
Dessinateur(s) : Félix MEYNET
Éditions : Dargaud
Collection : X
Série : Double M
Année : 1994 Nb. pages : 56
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Aventure policière, Humour
Appréciation : 4.5 / 6
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Guerre froide aux sports d'hiver
Écrit le jeudi 06 janvier 2011 par PG Luneau
C’est toujours un plaisir pour moi de retrouver les deux protagonistes de Double M, Mirabelle et Melchior. J’ai toujours aimé leurs aventures pseudo-policières qui se déroulent dans l’espèce d’insouciance caractéristique du début des années soixante, époque où elles se situent. L’antagonisme des deux héros, lui gars de la montagne très physique et un brin sauvage en société, elle citadine et mondaine jusqu’au bout des ongles (superficialité en prime!), est gentiment exploité, engendrant des situations cocasses bien sympathiques mais jamais bien méchantes, démontrant bien la tendresse que les auteurs ont pour chacun d’eux.
Dans cette aventure-ci, on retrouve Mirabelle qui passe quelques temps dans les Alpes savoyardes, à la coquette auberge de Matafan, question de nous faire croire qu’elle apprécie les sports d’hiver. Alors que Mel s’échine inutilement à lui enseigner les rudiments du ski alpin, deux étrangers tournent autour de l’auberge et semblent en avoir après un des pensionnaires qui y séjourne avec son fils d’une douzaine d’années. Évidemment, il n’en fallait pas plus pour que la coquette journaliste et son entraîneur particulier se retrouvent lancés dans un enchaînement d’événements et d’imbroglios digne des bons films d’Hitchcock, fin cinquante, début soixante. Tout ce beau monde finira confiné au village par une avalanche et notre duo choc devra mettre en échec les deux Russes (car c’en sont!) et leur chef, à l’identité secrète, avant qu’ils ne s’en prennent à l’enfant.
C’est un très bon opus auquel nous avons droit ici. Monsieur Roman a concocté un récit simple et accessible (même aux plus jeunes) mais très habilement construit, qui nous réserve quelques fausses pistes et quelques belles surprises. On est un peu dans la même lignée que les enquêtes de Ric Hochet, mais la qualité et l’humour en plus! Les dessins de Meynet restent ce qu’ils sont : assez inégaux, sauf lorsque vient le temps de développer la poitrine d’un personnage féminin ou de lui amincir la taille. Néanmoins, j’ai vraiment aimé ce tome, qui mise sur l’esprit de la Guerre froide, avec les méchants Russes et les bons Occidentaux, tel qu’on percevait la chose à l’époque. Il m’a donné le goût de lire ou de relire les autres… C’est certainement bon signe!
Plus grandes forces de cette BD :
- l’illustration des pages de garde. Même si le dessin est un peu malhabile, il montre bien, en deux petits dessins, la dualité complémentaire entre Mirabelle et Mel, chacun à leur top, chacun dans leur faiblesse!
- l’amour-haine indissociable qui unit les deux protagonistes. Malgré qu’ils se vouvoient gros comme le bras et qu’ils aient des champs d’intérêts complètement antagonistes, on sent bien qu’ils se plaisent et qu’ils finiront ensemble… comme dans tous les bons films de Doris Day et Rock Hudson, je vous dis!!
- les personnages d’Anastase et de son insupportable épouse. Ils forment un super couple de figurants et permettent une série de gags récurrents fort amusants. Que c’est jouissif de voir un personnage chiant écoper! Ça nous rassure pour toutes les fois où on les voit, autour de nous, en train de gagner!
- le contexte de la Guerre froide, traité sous un angle très original. Je n’ai jamais été très attiré par ces récits sur la rivalité viscérale entre le bloc de l’Est et le reste des pays occidentaux. Ici, le fait de l’aborder subtilement, via le thème des échecs, est très habile.
Ce qui m’a le plus agacé :
- la numérotation malmenée. Ce tome est le quatrième à avoir été publié, mais mon exemplaire porte le numéro 2, sur la tranche! Pourtant, dans ma collection, j’ai aussi un album Double M intitulé Une valse pour Anaïs… et il porte aussi le numéro 2 sur la tranche!?!?! Comment s’y retrouver? De manière générale, cette excellente série a manifestement été très malmenée par ses éditeurs : sur mes six albums, je crois qu’il n’y en a pas deux qui ont la même maquette!! C’est à croire que la personne qui décide de la configuration de la page couverture, de la typographie et de tous ces petits trucs changeait d’idée à chaque six mois!! Inadmissible!
- les quelques maladresses graphiques dans les dessins de Meynet. Par exemple, dans la première case de la page 11, le visage de Mel nous apparaît dessiné de manière très réaliste. Puis, deux vignettes plus loin, on le revoit cette fois dans un style beaucoup plus caricatural. C’est dommage de ne pas pouvoir dessiner ses personnages principaux avec plus de constance! De plus, le bateau montré à la page 15 semble voler au-dessus de l’eau tant sa ligne de flottaison est ridiculement basse!
- les mensurations toujours exagérément trop parfaites des personnages féminins de Meynet, qui font dans les 42-24-36. Apparemment, le personnage de Fanfoué, le vieillard aux mains baladeuses et aux regards un brin lubriques, semble refléter certaines des obsessions du dessinateur, si on se fie aux jeunes femmes hyper sexy que ce dernier dessine, toujours avec de ridicules tours de taille inversement proportionnels à l’opulence de leur généreuse poitrine!
- un petit questionnement, mais qui est quand même essentiel à la cohérence du récit : Que fait Mirabelle, seule aux sports d’hiver, elle qui déteste autant le ski que le patin ou la neige en général? J’aurais aimé que monsieur Roman nous donne un semblant d’explication, ne serait-ce que pour ajouter à la crédibilité.
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