#02- VEUILLEZ CHANGER VOTRE MOT DE PASSE
Scénariste(s) : Simon BANVILLE
Dessinateur(s) : Simon BANVILLE
Éditions : les 400 coups
Collection : Coup de griffe
Série : Asymptote
Année : 2012 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Strips
Genre(s) : Héros animalier, Humour social, Humour, Quotidien
Appréciation : 4 / 6
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Nos absurdités dans la mire des perruches et de leurs «perruchiots»
Écrit le dimanche 28 octobre 2012 par PG Luneau
Avant même que de débuter ma critique de l’album Veuillez changer votre mot de passe, le deuxième album de la série Asymptote, de Simon Banville, je me dois de rédiger un erratum!! En effet, dans le résumé de ma visite au dernier ComicCon de Montréal, alors que je vous raconte ma rencontre avec ce bédéiste québécois, j’ai commencé à vous parler de sa série en vous disant qu’Asymptote était le nom du personnage principal, c’est-à-dire la grosse perruche jaune qu’on aperçoit depuis quelques années maintenant dans divers journaux et périodiques montréalais. Et bien c’est faux!! En effet, ce gros oiseau jaune (à ne pas confondre avec Big Bird!! ;^) ), qui porte souvent la cravate (surtout quand il passe des entrevues d’embauche!!), il s’appelle Waso (c’est concept!!)!
En compagnie des jeunes Pou, Phlip et Mawk, ainsi qu’avec l’ancêtre, simplement baptisé Grand-Père, il observe notre société tout en laissant échapper des remarques toujours surprenantes, souvent très judicieuses ou même carrément délirantes. Chose certaine, la jeune Élorah, la fillette d’une douzaine d’années qui semble héberger toute cette volière, en entend souvent des belles!!!
Mais si Asymptote n’est pas le nom d’un personnage… pourquoi avoir choisi ce nom pour la série??? Ça reste pour moi un mystère que j’ai bien hâte de résoudre : si monsieur Banville ne m’écrit pas pour m’expliquer son choix, vous pouvez être sûrs que je vais l’interroger la prochaine fois que je le croiserai!... Ce qui ne saurait tarder! En effet, il sera au Salon du livre de Montréal, dans deux semaines! D’ailleurs, monsieur Banville est un des auteurs que j’ai le plus souvent croisé lors des différents salons et ComicCon auxquels j’ai participés depuis deux ans, tant à Montréal qu’à Québec…
Fidèle au poste, toujours à son stand, isolé et indépendant, Simon Banville me semble être un travailleur acharné, prêt à s’impliquer à fond : dédicaces, laïus sur les qualités de son produit, distribution de poignées de main, P.R. en bonne et due forme… Un gars déterminé, prêt à faire ce qu’il faut pour que son produit perce… Un gars qui m’inspire beaucoup de respect, quoi!... Et un gars à l’humour fort agréable!
En effet, ce que j’ai le plus apprécié de son album, c’est l’efficacité générale de ses gags. J’avais déjà lu, bien sûr, quelques uns de ses strips dans les petits journaux gratuits du métro ou, plus récemment, dans le magazine des Débrouillards. Très souvent d’ailleurs, je les trouvais d’une justesse redoutable. Et bien cette efficacité dans le ton et dans la pertinence des propos se retrouve encore plus concentrée dans un tel recueil de gags! Parmi certains strips mignons et plus inoffensifs se camouflent des perles qui démontrent une belle finesse dans l’analyse de nos travers, de nos façons de vivre ou de nos contradictions, par exemple. Souvent, Banville touche juste et parvient à souligner, d’une réplique assassine, les phénomènes de société qui suscitent nos débats! Et le tout en seulement trois ou quatre petites cases!! Le résultat est vraiment intéressant!
Sur le plan graphique, j’ai plus de bémols. Oui, monsieur Banville manie bien la construction de ses strips, en les montant de manière classique et efficace. Mais s’il est tout aussi habile à manier les formes, ses coups de crayon sont un peu trop nerveux à mon goût. Ses lignes manquent encore de souplesse, et on sent le travail et les à-coups qui les sous-tendent. Mais je ne suis pas inquiet du potentiel (tant visuel que scénaristique) de cette série! Je sais que la popularité toujours croissante de ces petits oiseaux moqueurs forcera Banville à les dessiner encore et encore… ce qui aura pour conséquence inévitable d’affirmer son trait et d’assurer une plus grande maturité à l’ensemble de son dessin.
Donc, je vous conseille fortement de lire le plus récent recueil de strips de la série Asymptote… ou le premier tome, la Fin du monde, sorti en 2011! En effet, si ces gags sont toujours amusants à lire quotidiennement, dans un petit journal, ils le sont encore plus, sans contredit, lorsqu’on les lit en rafale! Qui sait, peut-être sauront-ils susciter d’intéressants débats, tant à l’école qu’autour de la table familiale, pendant le souper?!
Plus grandes forces de cette BD :
- ma petite dédicace! Monsieur Banville m’a dessiné son charmant petit Phlip, un poussinet tout naïf, toujours vêtu d’une paire de bobette blanche à l’ancienne, genre Fruit of the loom! Cet accoutrement ridicule accentue sa vulnérabilité apparente… et le rend encore plus trognon, surtout quand il sort une de ses petites «phrases-coups de poing» qui détonnent totalement d’avec son angélisme chronique!! C’est, est-il bon de le préciser, mon personnage préféré de la série!!
- la présentation des personnages. Banville profite de la page titre pour nous y montrer, en caméo, chacun des six personnages, question de bien les identifier avant de plonger dans notre lecture. Une charmante attention : c’est grâce à elle si j’ai finalement réalisé qu’Asymptote, ce n’est personne!?!?!
- le grand nombre de strips par planche!! Je n’en reviens tout simplement pas!! C’est, je crois, la première fois que je vois une maison d’éditions présenter des pages avec plus de quatre strips par page! Ici, on nous en offre cinq sur chacune des 46 pages de l’album!! Ils font même un peu coincés, ces 230 gags… mais c’est tellement généreux de la part de l’auteur et des éditeurs qu’on ne s’en plaindra pas!
- le mélange et la qualité de l’humour. Comme je le disais plus haut, les gags sont amusants… mais ils sont aussi de teneur très variée! Beaucoup sont à caractère social, mais il y en a aussi quelques uns qui sont plus naïfs ou simplement cocasses, alors que d’autres sont plus absurdes, mordants ou tout simplement mignons! Bref, l’auteur nous offre une belle brochette, bien garnie, qui, parfois, s’inspire même de sujets d’actualité, comme le réchauffement climatique, la pollution, la rectitude politique… ou, pourquoi pas, les photos-radars!?
- des personnages vraiment sympathiques. Outre mon petit Phlip, le mignon poussinot fleur-bleu en bobette dont je vous parlais plus haut, il faut souligner le caractère très paradoxal de Mawk, ce poussin punket qui, sous ses allures rebelles, cache des valeurs tristement conservatrices (dans le sens péjoratif du terme!!). Puis il y a l’amusant Grand-Père, qui essaie très fort d’être à la page et de se mettre à l’heure de l’électronique… mais avec des succès assez limités, avouons-le!! Soulignons aussi les «grandioses» aventures récurrentes d’Éco-Batman, l’alter ego de Pou lorsqu’il se déguise en superhéros pour tenter de sauver la planète… avec des résultats encore plus pitoyables que ceux de son Grand-Père devant un ordi!! J’adore! ;^)
Ce qui m’a le plus agacé :
- le dessin, qui manque un peu de fini. D’ailleurs, l’agrandissement du dessin de couverture nous le montre bien : même si l’auteur avoue dessiner maintenant à l’ordi, on sent les coups du «feutre à pointe moyenne» toujours de largeur égale… Je crois même que c’est cet aspect qui me gêne : il me semble que si monsieur Banville utilisait une pointe plus fine pour ses petits détails (comme les stries sur les pattes de ses «perruchiots»), ses dessins gagneraient en subtilité, en finesse. Pour ce qui est de la souplesse de ses courbes, elle semble suivre une belle progression qui augure bien pour l’avenir…
- les couleurs, un peu fades. En effet, à part celles de la couverture (que j’aime bien), les couleurs des fonds de case, en à-plat, sont toujours mates. Pourtant, le papier sur lequel l’album est imprimé est un peu glacé… Toujours est-il que les bleu-gris, les vert forêt et les orangés, qui dominent principalement l’album, font tous un peu ternes.
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