Capsule-Pif #014- Le Robin des bois des Mille et une nuits
Écrit le samedi 10 septembre 2016 par PG Luneau
Nasdine Hodja
C'est riche d'une longue histoire que Nasdine Hodja entre dans Pif Gadget, en 1969. C'est que le héros existait déjà dans Vaillant depuis... 1946!!?? Si tous les textes de ses 26 années d'existence sont issus de l'imagination fertile du prolifique Roger Lécureux (même s'il a signé quelques-uns d'entre eux d'un pseudo : Hertel), les dessins, pour leur part, ont connu bien des créateurs.
C'est tout d'abord René Bastard qui a créé le personnage en 46 et qui l'a dessiné jusqu'en 1951. René Violet (qu'un dictionnaire spécialisé qualifie de médiocre!!?) réalisera deux courts épisodes, de 8 planches chacun, en 49 et 50, mais on retiendra surtout le nom de Pierre Le Guen, qui modernisera le trait et ravivera l'éclat du personnage. C'est que, jusqu'en 53, les récits étaient souvent présentés à l'ancienne, avec des pavés de textes narratifs sous les images et très peu de phylactères! Le Guen en fera une BD plus proche de ce qu'on connaît, en variant les découpages, par exemple. Il s'en occupera de 1953 à 69, réalisant plusieurs récits (dont 2 qui seront repris dans les deux premiers l'Insaisissable Poche!!). Le Guen travaillera aussi avec Pierre Le Goff, qui réalisera les deux Insaisissable Poche suivants, de même qu'un récit complet pour Vaillant, tout ça entre 1967 et 69. À noter que ce Le Goff a parfois ajouté à sa signature : d'après P. Le Guen.
Finalement, pour ce qui est de l'époque Pif, celle qui nous intéresse, elle correspond à la prise en charge des dessins par un certain Angelo di Marco. C'est ce dernier (un autodidacte!) qui a réalisé les 16 récits de ce héros qui sont parus dans Pif, tous en noir et blanc, tous d'exactement 20 planches. Si la série s'étiole au fil des ans, et qu'elle s'éteint le 18 mai 1972, dans le Pif Gadget #169, c'est que cet excellent dessinateur... souffre de retard chronique!! Le bougre a toujours mille et une raisons pour ne pas avoir terminé ses planches, et les gens de la direction du journal sont obligés de le «séquestrer», parfois, le nourrissant sur place et taillant eux-mêmes ses crayons, pour qu'il finisse son travail devant eux!! Ça explique les longs écarts entre les parutions... et la raréfaction des décors, sur certaines histoires. En 72, on finit par lâcher prise... et on abandonne la série! (En fait, le célèbre Coehlo, dessinateur du Furet, d'Érik le Rouge ou d'Ayak, reprendra le personnage pour une ultime aventure de 8 planches, parue dans l'Almanach de l'Humanité, en 1972. Ce dernier sursaut, intitulé le Tapis de Boukhara, a lui aussi, été écrit par Lécureux.)
Sans chercher à être parfaitement rigoureuse ou encyclopédique sur le plan historique, cette fresque où aventure et humour se mêlent agréablement est une belle réussite dans un genre peu souvent exploité par les auteurs de BD.
Titre : Nasdine Hodja (ou, parfois, l'Insaisissable Nasdine Hodja)
Auteurs : Entièrement scénarisé par Roger Lécureux, la série a connu trois dessinateurs principaux (Bastard, Le Guen et di Marco), plus trois épisodiques (Violet, Legoff, et Coelho). Angelo di Marco est celui qui nous concerne, puisqu'il a pris en charge tous les épisodes de la période Pif (et QUE ceux-là, d'ailleurs!).
Descriptif : Dans un Orient un peu folklorique, un justicier rusé, téméraire et d'une adresse redoutable soulève les pauvres et les opprimés. Son nom? Nasdine Hodja. Toujours en mouvement, il sillonne les déserts sauvages et hante les grandes villes de Perse ou du Moyen Orient, telles Bagdad, Istanbul ou Samarkand. Son but ultime? Lutter sans merci contre les sultans sanguinaires, les riches émirs despotiques et les vizirs véreux... puis secourir, à l'occasion, les belles princesses en détresse! Bref, faire respecter la raison et le bas peuple... thème cher au parti Communisme s'il en est un (on se souviendra que Pif Gadget et Vaillant, son ancêtre, sont des magazines appartenant à ce parti!).
Admiré des uns, redouté des autres, celui que tous reconnaissent à son surnom d'Insaisissable est toujours accompagné de son comparse, Kadû-ka, un colosse à la force herculéenne. Souvent, ce sera ce dernier qui l'aidera à se tirer d'un mauvais pas. D'autres fois, Nasdine pourra échapper à ses poursuivants grâce au peuple qui le vénère secrètement comme son sauveur. Mais, toujours, ce Zorro avant l'heure gardera son humour fantasque et sa bonne humeur.
Dessin : Réaliste, en noir et blanc
Genre : Aventures moyen-orientales
# d'apparitions : Près d'une cinquantaine, du temps de Vaillant, mais très exactement 16 récits de 20 pages N/B dans les Pif Gadget réguliers
Époque des apparitions : dès 1946 dans Vaillant, mais de 1969 à 72 dans Pif
Des albums? : Plus d'une vingtaine. Les tout premiers (1953, 60 et 61, chez Vaillant) sont probablement introuvables. Mais depuis 2008, les éditions du Topinambour ont publié 17 albums regroupant pas mal toute la production de Le Guen et de di Marco... incluant une intégrale des 4 «Poches».
Note personnelle : Scénario : 4/5 Dessin : 3/5 Total : 7/10
Importance relative de parution : 265
En couverture? : Jamais
Clins d'œil et trucs divers :
*Di Marco s'est très fortement inspiré du célèbre acteur américain Douglas Fairbank Jr (qui a longtemps tenu le rôle de Sinbab le marin) pour dessiner son Nasdine.
*Dans un de ses épisodes (Pif #26), di Marco caricature Fernandel!
*En 1974, une édition spéciale d'un Pif (Pif Export 1518e) repiquera le Vieil homme des collines, une aventure de 12 planches dessinées par Le Guen et parue initialement dans Vaillant, en 68.
*Nasdine Hodja a eu droit à des éditions dans la collection Poche!! 4 numéros, de mai 67 à février 68. Les #1 et 2 reprennent des aventures parues dans Vaillant qui avaient été dessinées par Pierre Le Guen, et les #3 et 4 sont l'œuvre conjointe de ce même Le Guen en collaboration avec Pierre Le Goff. Je n'aurais jamais cru qu'une série réaliste pourrait paraître dans cette collection de si petit format! Je me demande comment les dessins étaient rendus!? On grossissait ou rapetissait les vignettes au besoin? Le résultat devait tellement être étrange!! Ça explique peut-être l'arrêt des publications après seulement 4 numéros!
* Ce Nasdine Hodja, est très librement inspiré d'un mythique ouléma turc, Nasr Eddin Hodja, vieux sage fantasque qui méprisait les riches. Toutefois, Lécureux a surtout pris son inspiration dans un roman russe (!?), Quelqu'un troubla la fête, écrit par Léonid Solovyov en 1956 puis traduit en français aux éditions Nagel, à Paris. Il paraîtrait que les Russes étaient friands des exploits de ce personnage enturbanné... qui vivait pourtant ses aventures au Moyen-Orient!!?
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